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XI.

EXPLICATION D'UN DIDRACHME INÉDIT DE LA VILLE D'ICHNAE (MACÉDOINE).

NOTICE SUIVIE D'ÉCLAIRCISSEMENTS RELATIFS À LA NUMISMATIQUE DES BOTTIÉENS.

PARMI les médailles, inédites ou peu connues, qui-en dehors du beau choix déjà fourni par le célèbre cabinet d'Ed. Wigan-sont récemment entrées dans les riches collections numismatiques du British Museum-grâce, il faut le dire, à l'active et intelligente initiative de Mr. R. Stuart Poole-la plus remarquable et la plus intéressante, à tous les points de vue, c'est sans contredit celle que je vais m'appliquer à décrire et sur laquelle puisqu'aussi bien j'y ai été très-courtoisement invité-je voudrais appeler, pendant quelques instants, la sérieuse attention des lecteurs de cette Revue.

Mais, avant d'entamer le sujet, et tout en renouvelant à Mr. Poole mes plus châleureux remercîments pour l'honneur qu'il m'a fait et pour le témoignage de confiance qu'il n'a pas craint de me donner en me cédant la priorité d'une publication qui lui revenait de plein droit, je ne puis m'empêcher d'exprimer le regret, que l'important travail dont il s'occupe, en le moment,' non moins,

1 Le travail auquel je fais allusion et qui doit former un assez grand nombre de volumes, a pour titre: "Catalogue of the Greek Coins in the British Museum." La première partie, conVOL. XIV., N.S.

A A

du reste, que les impérieux devoirs commandés par ses fonctions administratives, ne lui aient point permis, en cette circonstance, de tenir lui-même la plume, à mon lieu et place; car, par la grande connaissance qu'il possède des textes anciens, par l'étude approfondie qu'il a faite des diverses branches de la science numismatique, j'ai l'intime persuasion que mon savant ami eût été, beaucoup mieux que je ne suis, en état d'interpréter les types, et de faire ressortir le mérite exceptionnel de ce curieux

monument.

Quoiqu'il en soit, puisque j'ai consenti à accepter la tâche sans avoir, au préalable, suffisamment consulté mes forces, j'essayerai, periculo meo, de la remplir le moins mal que je pourrai.

Commençons d'abord par décrire la médaille ; l'explication viendra après.

§ I.

R

Obv.-Guerrier debout, à gauche, les jarrets pliés, et dans une attitude assez violente. Cette figure, éxé

tenant la description des monnaies de l'ancienne Italie, a paru il y a quelques mois seulement. Le second volume, qui contiendra la Numismatique Sicilienne, est sous presse. Qu'il me soit permis de dire, puisque j'en trouve ici l'occasion, que ce magnifique ouvrage, où les vignettes se succèdent presqu'à chaque page, ne fera pas moins d'honneur à son auteur et à ceux de ses collègues qui l'ont aidé, qu'à l'habile et savante commission administrative du British Museum, laquelle, dans son incessante sollicitude pour tout ce qui touche à la gloire de la Vieille Angleterre, n'a reculé devant aucun des nombreux et lourds sacrifices que nécessitait une pareille publication.

cutée dans le style archaïque, avec l'œil de face et une barbe cunéiforme, a la tête couverte d'un casque sans visière, mais qui paraît être légèrement dentelé à sa partie postérieure, et dont le sommet est orné d'une ample et longue crinière; le haut du corps, depuis le cou jusqu'à mi-cuisses, est revêtu d'une courte tunique sans manches (XTOV) serrée à la taille par une ceinture (vn); de son bras droit, abaissé et tendu en avant, il retient par la bride un cheval qui se cabre et dont il semble s'efforcer de modérer l'élan; de son bras gauche, replié en arrière, il s'appuie du bout du coude sur la croupe de l'animal. Tout le groupe, tourné vers la gauche, repose sur une base ornée de globules; au dessus, et écrite circulairement de droite à gauche, on lit l'inscription: MAXI (sic.)

Rev.-Roue à quatre rayons et de forme très-simple figurée au milieu d'un carré creux peu profond. R. Module 6 de Mionnet; poids, 142 grs. anglais : 9-20 grs. français. British Museum.

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Cette précieuse médaille, dont l'importance scientifique ne saurait échapper à personne, puisque, en fait, elle est la première et la seule de son espèce qu'on ait vue jusqu'à présent, a été, il y a quelques mois seulement, cédée au British Museum par Mr. Paul Lambros, d'Athènes, et c'est certainement l'une des plus remarquables acquisitions qu'entre tant d'autres, ce riche établissement ait faites depuis longtemps.

2 Je veux dire tout simplement par là, que cette médaille est, jusqu'à ce jour, la seule de son espèce où l'on ait constaté la présence d'une légende et que cette légende nous fournit pour la première fois le moyen sûr de déterminer son pays d'origine. Car pour ce qui regarde le type, pris séparément, il est déja connu et on le retrouve sur une variété anepigraphe publiée par M. de Prokesch-Osten dans la Revue Numismatique Française de l'année 1860 (p. 268, Pl. XII. No. 3). Cette dernière médaille, dont, par parenthèse, la description très-sommaire qui en est donnée ne répond nullement à la gravure, a eté attribuée à Therma, sans doute parce que l'antiquaire viennois considère le signe imprimé dans la champ du droit, comme un vrai

Sans être ce qu'on appelle entièrement irréprochable ou à fleur de coin, cette pièce offre néanmoins un état de conservation des plus satisfaisants: elle ne laisserait même presque rien à désirer sous ce rapport, n'était que son revers est un peu écrasé et frotté et qu'en outre elle a été percée d'un trou; sorte de mutilation moderne malheureusement assez fréquente sur les monnaies antiques et qui provient de la fâcheuse habitude qu'ont les femmes de l'Orient d'en attacher, comme ornement, un certain nombre à leur parure. Quoique ce trou porte juste à l'endroit où est figuré le premier N de l'inscription, cependant il n'endommage nullement les types et n'empêche pas, non plus, de distinguer une partie des contours et de la forme primitive de la dite lettre.

De cette légende, écrite de droite à gauche en caractères archaïques très-clairs et on ne peut plus explicites, résulte péremptoirement la preuve que notre médaille a été frappée, vers une époque assez haute de l'histoire, par les habitants d'une ville qui avait nom, Ichnae.

Quelle est cette ville, et à quel pays faut-il la rattacher ?

C'est ce qu'il s'agit d'examiner et ce que, du même coup, nous allons essayer de déterminer.

Si nous interrogeons à ce sujet les géographes ou d'autres écrivains anciens, plusieurs de ces auteurs nous apprendront que, dans le monde grec, on ne comptait pas moins de trois localités différentes ayant, chacune, porté theta indiquant la lettre initiale du nom de la ville. C'est là une question que je n'ai pas ici le loisir d'examiner, mais sur laquelle je me réserve de revenir. Si, au contraire de ce que suppose M. de Prokesch, on ne veut voir dans le signe qu'un pur symbole mythique ou religieux, et ne tenir compte absolument que de la parfaite similitude des types, dans ce cas il est clair que ce didrachme anépigraphe doit appartenir à la même ville d'où le nôtre est sorti.

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le nom d'Ichnae: une, située dans la Basse Macédoine, non loin de Pella et près de l'embouchure du fleuve Arius; une autre que Strabon (ix., v. 4) place dans la Thessaliotide, quatrième grande division de la Thessalie, et de laquelle s'il fallait s'en rapporter sur ce point aux suppositions très-gratuites de Raoul Rochette1 -serait issue l'Ichnae Macédonienne; opinion qui, soit dit en passant, n'est appuyée d'aucune preuve positive et que, pour mon compte, je ne saurais me décider à partagerj'aurai, du reste, à y revenir tout à l'heure.

Enfin il existait une troisième localité du nom d'Ichnae située, d'après Isidore de Charax, en Mésopotamie et près du fleuve Bilécha. Cet auteur, qui la qualifie de ville grecque, assure qu'elle avait été bâtie par des Macédoniens. Ίχναι, πόλις ἑλληνὶς, Μακεδόνων κτίσμα· κεῖται δ' ἐπὶ Βίληχα Tотаμоù (Isid. Charac. in Era@poîs IIape., ii., 3). Étienne de Byzance et Dion Cassius la mentionnent également : le premier (loc. cit.) la place d'une manière vague dans l'Orient mais sans dire à quel endroit; le second (lib. xl., p. 126) la nomme Ichnias et ne la considère que comme un simple château-fort (ppoúptor). Ajoutons qu'il est encore question d'Ichnae de Mésopotamie dans Plutarque (Vit. Crass.) et dans Appien (Parthie).

Inutile de faire remarquer que cette ville orientale— bien, qu'en somme, elle soit d'origine grecque-n'ayant, par le fait seul de la situation éloignée et de l'époque relativement assez récente où elle a été fondée, absolument rien à voir ici, je ne l'ai mentionnée uniquement que pour mémoire et afin de ne rien omettre, autant que possible.

3 Hérodot., vii. 123; Plin., lib. xvi. 10; Steph. Byz. Voc., "Ixvas; Hesych. Voc.

Hist. des Colon. Gr., tom. iv. p. 227.

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