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Godets et Apponats, et en mismes tant que voullusmes en nos barques et en eussions peu en moins d'vne heure remplir trente semblables barques. Ces Isles furent appellees du nom de Margaux, à cinq lieuës de ces Isles y auoit vne autre Isle du costé d'Ouest qui a viron deux lieuës de longueur et autant de largeur, là nous passasmes la nuict pour auoir de l'eau et du bois. Ceste Isle est enuironnee de sablon, et autour d'icelle y a vne bonne source de six ou sept brasses de fond. Ces Isles sont de meilleure terre que nous eussions oncques veuë, en sorte qu'vn champ d'icelle vaut plus que toute la terre Neufue, nous la trouuasmes plaine de grands arbres, de prairies, de campagnes plaines de froment sauuage, et de poix qui estoyent fleuris aussi espais et beaux comme l'on eust peu voir en Bretagne, qui sembloyent auoir esté semez par des Laboureurs, l'on y voyoit aussi grande quantité de raisin ayant la fleur blanche dessus, des fraises, roses incarnates, persil, et d'autres herbes de bonne et forte odeur. A l'entour de ceste Isle y a plusieurs grandes bestes comme

grands bœufs, qui ont deux dents en la bouche comme d'vn Elephant, et viuent mesmes en la mer, nous en vismes vne qui dormoit sur le riuage, et allasmes vers elle anec nos barques pensans la prendre, mais aussi tost qu'elle nous ouyt elle se ietta en mer, nous y vismes semblablement des Ours et des Loups. Ceste Isle fut appelee l'Isle de Brion, en son contour y a de grands marais vers Suest et Norouest, ie croy par ce que i'ay peu comprendre, qu'il y ait quelque passage entre la terre-Neufue et la terre de Brion, S'il estoit ainsi ce seroit pour raccourcir et le temps et le chemin pourueu que l'on peust trouuer quelque perfection en ce voyage. A quatre lieuës de ceste Isle est la terre ferme vers Ouest-Surouest, laquelle semble estre comme une Isle enuironnee d'Islettes de sable noir, là y a vn beau Cap que nous appellasmes le Cap-Dauphin, pource que là est le commencement des bonnes terres. Le xxvII. de Iuin nous circuismes ces terres qui regardent vers Ouest-Surouest, et paroissent de loin comme collines ou montagnes de sablon, bien que ce soyent

terres basses et de peu de fond, nous n'y peusmes aller et moins y descendre d'autant que le vent nous estoit contraire, et ce iour nous fismes quinze lieuës.

De l'Isle d'Alezay et du Cap S. Pierre.

Le lendemain allasmes le long desdites terres viron dix lieuës iusques à vn Cap de terre rouge qui est roide et coupé comme vn roc, dans lequel on void vn entre deux qui est vers le Nord, et est un pays fort bas, et y a aussi comme vne petite plaine entre la mer et vn estang, et de ce Cap de terre et estang iusques à vn autre Cap qui paroissoit, y a viron quatorze lieuës, et la terre se fait en façon d'vn demy cercle tout enuironné de sablon comme vne fosse sur laquelle lon void des marais et estangs aussi loin que se peut estendre l'œil. Et auant qu'arriuer au premier Cap l'on trouue deux petites Isles assez pres de terre, à cinq lieuës du second Cap y a vne Isle vers Surouest, qui est treshaute et pointue laquelle fut nommee Alezay, le premier Cap fut appelé de S. Pierre, par ce

que nous y arriuasmes au iour et feste dudit sainct.

Du Cap d'Orleans, du fleuve des Barques, du Cap des Sauuages, et de la qualité et temperature de ces pays.

DEPUIS l'Isle de Brion iusques en ce lieu y a bon fond de sablon, et ayans sondé esgalement vers Surouest iusques a approcher de cinq lieuës de terre nous trouuasmes vingt-cinq brasses, et à vne lieuë pres, douze brasses, et pres du bord six plus que moins et bon fond. Mais parce que nous voulions avoir plus grande cognoissance de ces fonds pierreux plains de roches, mismes les velles bas et de trauers. Et le lendemain penultiéme du mois le vent vint du Su et quart de Surouest, allasmes vers Ouest iusques au Mardy matin dernier iour du mois, sans cognoistre et moins descouurir aucune terre, excepté que vers le soir nous apperçeusmes vne terre qui sembloit faire deux Isles qui demeuroit derriere nous vers Ouest et Surouest à viron neuf ou dix lieuës. Et ce iour

allasmes vers Ouest iusques au lendemain leuer du Soleil quelque quarante lieuës: Et faisant ce chemin cogneusmes que ceste terre qui nous estoit apparue comme deux Isles estoit là terre ferme situee au Su-Surouest et Nort-Norouest iusques à vn tresbeau Cap de terre nommé le Cap d'Orleans. Toute ceste terre est basse et plate, et la plus belle qu'il est possible de voir, plaine de beaux arbres et prairies, il est vray que nous n'y peusmes trouuer de port, parce qu'elle est entierement plaine de bancs et sables. Nous descendismes en plusieurs lieux auec nos barques, et entre autres nous entrasmes dans vn beau fleuue de peu de fond, et pource fut appellé le fleuue des barques : d'autant que nous y vismes quelques barques d'hommes sauuages qui trauersoyent le fleuue, et n'eusmes autre cognoissance de ces sauuages, parce que le vent venoit de mer et chargeoit la coste, si bien qu'il nous fallust retirer vers nos nauires. Nous allasmes vers Nordest iusques au leuer du soleil du l'endemain premier de Iuillet, auquel temps s'esleua vn brouillas et tempeste à cause

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