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NOTICE

HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR

SALVATOR ROSA.

Fils d'un arpenteur de Renella près de Naples, Salvator Rosa naquit en 1615; son père le plaça dans un collège, avec l'intention de lui faire suivre l'étude des lois; mais un goût prononcé et de grandes dispositions pour la peinture entraînaient le jeune Salvator à dessiner sans maître, des vaisseaux, des ports de mer, des paysages; il pressait continuellement son père pour lui faire apprendre le dessin. Paul Greco, son oncle, lui donnait en cachette quelques conseils et des modèles; enfin il lui fut permis d'étudier avec son beau-frère François Francanzano.

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Tout en continuant ses classes, Salvator Rosa n'ayant plus de raison pour se cacher, avait charbonné tous les murs de la maison paternelle, et cependant il trouvait encore le temps d'étudier la musique; mais, à l'âge de 17 ans, Rosa perdit son père, et se trouva sans aucune ressource. Son beau-frère, peu fortuné, ne pouvait l'aider que fort peu, et le jeune artiste en était réduit à exposer sur la place publique quelques copies qu'il avait faites. Lanfranc ayant remarqué du talent dans ces études en acheta, et les paya plus qu'on ne lui en demandait. Francanzano, élève de Ribera, conduisit Salvator Rosa chez son maître; la manière dont il y chanta quelques ariettes en s'acompagnant du luth lui gagna l'amitié de ce peintre, et

I.

c'est alors qu'il reçut véritablement de grandes leçons qui le mirent par la suite dans le cas de se distinguer. Mais il eut encore quelque peine à trouver de l'occupation, et il travaillait à Rome pour des brocanteurs, lorsqu'un de ses camarades, attaché au cardinal Brancacci, lui proposa de partir avec cette éminence pour son évêché de Viterbe. Rosa trouva là l'occasion de se faire connaître, et il fit pour l'église della Morte un grand tableau représentant l'Incrédulité de saint Thomas. Lié d'amitié avec le poëte Abatti, il resta quelques années à Viterbe, et prit ensuite congé du cardinal pour retourner dans sa patrie, où il se trouva lors de la révolte de Masaniello en 1646; la part qu'il prit à cet événement lui fit craindre le ressentiment du vice-roi, et il se retira à Rome, dont le séjour lui parut plus convenable.

Il se lia dans cette ville avec plusieurs jeunes gens, et partageait son temps entre les travaux et les plaisirs, prenant alternativement le luth, la plume et le pinceau. Il fit des vers, des comédies, des satires, et fut un des principaux champions des bruyans plaisirs du carnaval. Sa fortune s'accroissait comme sa réputation, et le prince Mathias de Médicis l'appela à Florence, où il fit de nombreux travaux qui lui furent bien payés, puisque pendant un séjour de près neuf années à Florence il gagna environ 9,000 écus. Mais il sut également les dépenser : sa maison était une académie de plaisir; il y donnait des repas dans lesquels on trouvait autant d'originalité que dans ses tableaux. Ils étaient souvent composés de mets d'une seule nature; un jour la table n'était couverte que de rôtis, une autre fois on ne servait que des ragoûts, ou bien rien que des pâtés.

Salvator Rosa alla passer quelque temps à Volterra, à Barbajano et à Monteruosoli, dans la famille Maffei ; c'est là qu'il composa la plupart de ses satires, qui ont été imprimées et sont fort recherchées, l'une sur la musique, d'autres sur la poésie, la peinture, la guerre et l'envie. Rosa étant retourné à

SUR SALVATOR ROSA.

III

Florence prendre congé de la cour, il partit pour Rome, où il se fixa jusqu'à la fin de sa vie, en 1673.

Salvator Rosa ayant fait des études, ce qui était fort rare à cette époque parmi les artistes, se servait de son esprit et de son enjouement pour dire quelquefois des choses piquantes, et faire sentir aux autres le ridicule de leur procédé. On raconte que l'Académie de Saint-Luc, à Rome, ayant refusé d'admettre dans son sein un peintre qui exerçait en même temps la chirurgie, Rosa leur dit: Vous avez grand tort de ne pas le recevoir, car il pourrait vous rendre quelquefois service en remettant les membres aux figures qu'on estropie journellement ici.

Habitué à plaisanter sur tout, il trouva encore moyen de rire lorsqu'on lui parlait des craintes que devait lui inspirer sa conduite passée, et il prétendait que son nom était un gage assuré de son salut, Dieu ne pouvant permettre au démon de s'emparer d'un Sauveur. Il avait vécu long-temps avec une Florentine dont il avait eu plusieurs enfans, et qui se nommait Lucrèce, mais dont la conduite était loin de répondre à l'idée que fait naître ce nom: on le pressait d'épouser cette femme; mais connaissant sa conduite et la bassesse de son origine, il avait peine à consentir à un tel mariage : cependant ses amis et son confesseur, réunis pour le déterminer, l'un d'eux lui dit avec effusion: Salvator, il faut faire cela si vous voulez aller en paradis. — Ah! répondit-il, si on ne peut aller au paradis sans cornes, il faut bien le faire.

Il est assez singulier de voir qu'un homme d'un esprit aussi enjoué dans ses poésies ait montré quelque chose de si âpre dans ses tableaux. Il n'a choisi dans les campagnes que des sites sauvages; il ne peint que d'arides déserts, de tristes rochers; il choisit les plus affreux, et s'ils ne le sont pas, ils le deviennent par la manière dont il les rend. En admirant ses paysages pittoresques, on ne désire jamais d'habiter de pareilles demeures; en les regardant on pense à ces chemins écartés de toute habitation, où l'on ne passe jamais la nuit; que le jour on traverse

avec rapidité, et sur lesquels on trouve exposés les restes de quelques brigands.

Salvator Rosa a formé plusieurs élèves, dont aucun n'a obtenu de renommée, pas même son fils Auguste Rosa. On connaît de lui 145 tableaux peints à l'huile, et dont le catalogue se trouve dans l'ouvrage publié par Lady Morgan, en 2 vol. in-8°. Il s'est aussi occupé à graver, et on a de sa main 86 eaux-fortes d'une pointe fine et spirituelle; en les voyant même on se persuaderait difficilement que le peintre avait une couleur sombre et vigoureuse, tant sa gravure est légère.

Les principaux graveurs qui ont travaillé d'après lui sont Goupy, Audran, Le Bas, Pond, Preisler, Earlom, Ravenet et Strange.

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