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MINIATURES REPRÉSENTANT LA BATAILLE

DE BORNHOVED (1227),

par W. MOLLERUP,

traduit') par E. BEAUVOIS.

Les récits sur la bataille de Bornhøved ont fréquemment été dans ces derniers temps l'objet de recherches critiques, surtout de la part des Allemands. Dahlmann 2), Usinger 3) et finalement Hasse 4) ont cherché à montrer comment la légende s'empara de ce mémorable événement et, avec la richesse d'imagination propre au moyen âge, y ajouta de nouveaux traits dans le but d'éclairer la marche de l'action et d'expliquer les causes de la défaite. La critique prit à tàche d'élaguer la légende, de séparer la fiction de l'élément historique et de distinguer les sources originales de leurs échos. L'opération fut faite à fond, quoique avec la tendance à renchérir qui caractérise la méthode critique de ces trois historiens allemands. Dahlmann en effet ne put se dégager entiérement de l'ancienne manière de voir

1) D'après un mémoire beaucoup plus étendu, publié dans Aarbøger for nordisk Oldkyndighed og Historie. 1888. 2 série, t. III, p. 219-237, revu et abrégé par l'auteur, 2) Lübecks Selbstbefreiung am ersten Mai 1226. 3) Deutsch-Dänische Gesch. 1189-1227, p. 328--330. 4) Die Schlacht bei Bornhöved dans Zeitschr. f. Schles w. - Holst. - Lauenburg. Gesch. VII. 1—21.

et crut même trouver trace d'une vraie tradition historique dans le récit d'après lequel Abel, fils de Valdemar le Victorieux, commandait l'aile droite de l'armée danoise, quoique ce prince, alors âgé de huit ans seulement, fût en capitivité chez les comtes de Schwerin; d'autre part, Usinger parlait encore du chevalier allemand qui sauva la vie au roi Valdemar pendant la bataille, de la tradition des Ditmarschais, de l'œil perdu par le roi, tandis que Hasse a fait table rase de toute tradition historique non tirée de sources contemporaines. Pour lui, la trahison des Ditmarschais est fort problématique, et il incline à voir là une addition de quelque chroniqueur danois, hostile aux Allemands 1), qui cherchait à expliquer ainsi la défaite des Danois. La grave blessure et le miraculeux sauvetage de Valdemar lui font l'effet d'être des fables ou tout au plus des traditions ambulantes, à l'origine et au développement desquelles on peut facilement remonter, et il regarde comme dénué de toute autorité le récit de la chronique de Ribe sur la captivité et la délivrance de l'évêque Tuvo. Il ne reste debout, selon sa propre expression, que le fait nu«: le temps et le lieu de la bataille, les noms des princes et des villes qui prirent part au combat, l'issue de celui-ci, la fuite du roi Valdemar et la capture du duc Otto de Lüneburg.

Malgré la grande sagacité avec laquelle il a exposé tous les arguments contre les descriptions postérieures de la bataille de Bornhøved, le prof. Hasse n'a pourtant pas évité l'écueil de toute recherche critique: tailler trop profondément et priver ainsi la tradition d'éléments vitaux. Le fait s'est produit notamment dans la manière dont sont traités les renseignements donnés par la chronique de Ribe sur la captivité et la délivrance de Tuvo. D'après ce document l'évêque, fait prisonnier dans cette bataille, dut

1) Annales Ryenses.

payer pour sa rançon 700 marcs d'argent pur. Sous prétexte que la chronique ne date pas du XIIIe siècle, mais a été arrangée trois siècles après par des compilateurs aussi laborieux que peu critiques, le professeur Hasse, tout en admettant la vraisemblance de l'assertion, la rejette pourtant, comme ne nous ayant été transmise que dans un document postérieur de trois cents ans.

Il eut mieux valu chercher si un renseignement si positif, où le montant de la rançon est même indiqué, ne s'appuie pas sur quelque document. Et c'est précisément le cas, comme cela résulte d'une lettre insérée dans le Diplomatarium Arna-Magnæanum de Thorkelin (I. 152), et reproduite par le professeur Hasse dans les SchleswigHolstein-Lauenburgische Regesten und Urkunden (I. 292-93). Emanée de l'évêque Gunner, de Ribe, et datée du 15 septembre 1245, elle est le plus ancien document danois qui nous ait été conservé sur la bataille. En voici la traduction: »Gunnerus, par la grâce de Dieu évêque de Ribe, salut à tous ceux qui verront les présentes. Dans une grande bataille entre les Danois et les Allemands qui eut lieu autrefois dans le Holstein, la déroute fut grande et beaucoup des plus hauts personnages du royaume furent faits prisonniers; de ce nombre était notre défunt prédécesseur, l'évêque Tuvo, qui fut racheté pour 700 marcs d'argent, somme dont le remboursement pèse sur notre église de la manière la plus sensible.« Suivent des dispositions pour alléger le fardeau de l'église.

La bataille où fut pris l'évêque Tuvo dans le Holstein devait être celle de Bornhoved, puisqu'elle est qualifiée de grande déroute où beaucoup de hauts personnages tombèrent au pouvoir de l'ennemi. Le récit d'une chronique allemande contemporaine') sur la capture de trois évêques

1) Alberich dans Mon. Germ. hist. Scriptores. XXIII. 919.

danois est maintenant documenté, quoique nous ne connaissions le nom que d'un des évêques.

Il est dit que le roi Valdemar perdit un œil à la bataille de Bornhøved et se sauva non sans peine avec l'aide d'un chevalier allemand qui le conduisit à Kiel. Jusqu'ici ce récit a été considéré comme un fait historique; Dahlmann et Usinger l'ont même sans scrupule admis comme tel. Hasse au contraire a fait remarquer que la perte de l'œil paraît pour la première fois dans une note marginale non datée de la chronique dite Sélandaise, qui va de 1028 à 1282; que de là elle a passé dans la Chronique de Visby et dans celle de Thomas Geysmer, où elle a été assaisonnée de la préservation extraordinaire du roi. Outre que la ville de Kiel n'était pas encore fondée en 1227, il montre que l'heureuse fuite de Valdemar offre de singulières coïncidences avec celles de Harald Blaatand, de Knud Lavard et du roi Niels; aussi est-il porté à considérer la fuite et la perte de l'œil comme des fables ou tout au moins comme des traditions rattachées postérieurement à Valdemar le Victorieux.

On peut admettre avec le prof. Hasse, que le récit romanesque de Geysmer a l'air d'être du domaine de la fable, mais il ne s'ensuit pas que la perte de l'œil soit de la même catégorie. D'un côté les additions à la Chronique sélandaise ne sont pas sans valeur comme source historique, Schäfer l'a démontré1); d'autre part le renseignement est corroboré par d'autres récits indépendants de la tradition danoise. Une des principales sources de nos notions sur la bataille de Bornhøved est la Chronique universelle, dite Saxonne, écrite en bas-allemand, et traduite en latin à Lübeck au commencement du XVe siècle, avec de nombreuses additions empruntées à d'autres documents, notamment à Helmold, à Arnold de Lübeck et, à ce que l'on

1) Schäfer, Deutsche Annalen und Chroniken, p. 42-49.

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