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on créa également partout, à coté des musées classiques, des collections particulières de monuments et d'antiquités provenant des peuples dits barbares. L'impulsion partit de France, où Lenoir publia au commencement de notre siècle, en 1804-1805, son Musée des monuments français; mais la nouvelle idée trouva de l'écho plutôt dans les petits pays, là surtout où l'indépendance nationale était supprimée ou menacée, et où les misères du présent rehaussaient l'éclat des temps passés que l'on supposait avoir été plus heureux et moins corrompus au point de vue national.

Cependant l'enthousiasme patriotique ne créa pas seulement toute une série de musées nouveaux, il provoqua en même temps les premiers sérieux essais de classement des collections archéologico - historiques et d'autres congénères, d'après des principes simples et rationels.

II.

Dès l'année 1806 où l'éminent Rasmus Nyerup proposa la fondation d'un musée national danois, il s'était parfaitement rendu compte du but auquel il fallait tendre: c'était de donner "asile aux anciens monuments nationaux, devenant de plus en plus rares, afin que l'on pût étudier de salle en salle le développement successif de la culture, des idées, des mœurs et des coutumes de la nation".

Dans ces quelques paroles il posait en parfaite conformité avec le français Lenoir, le principe chronologique que notre siècle a préteré au chaos des temps passés et qui continuera sans doute à être généralement suivi dans le classement des musées archéologico-historiques. Il ne se restreignit d'ailleurs pas aux petites antiquités qui jusqu'alors avaient seules trouvé place dans les musées; il y comprit aussi les figures et les descriptions des grands monuments de l'antiquité et du moyen àge, disséminés dans toute l'étendue du territoire, voulant que, par la comparaison des principaux restes du passé, les musées servissent

d'illustration aussi complète et vivante que possible à l'histoire écrite, notamment à celle de la civilisation intérieure, antrefois trop négligée, mais dès lors placée au premier rang. Bien qu'il ne pût encore établir de chronologie certaine pour les temps payens, il avait cependant l'espoir que bientôt, en parcourant le musée d'archéologie nationale, on pourrait marcher de siècle en siècle dans les périodes préhistoriques

La réalisation de cette idée fit un grand pas, lorsque le successeur immédiat de Nyerup dans la direction du musée des antiquités danoises, C. J. Thomsen, classa pour la première fois les antiquités, par ordre chronologique d'après une division en âges de pierre, de bronze et de fer. Il prit également ce système pour base générale du classement du nouveau musée d'ethnographie, en groupant les objets de chaque peuple en deux divisions, l'une antérieure l'autre postérieure à la connaissance des métaux; mais cet arrangement trop défectueux et même délusoire au point de vue chronologique dut bientôt faire place à un simple classement géographique. C'est avec beaucoup plus de raison quoique avec des matériaux insuffisants, que Thomsen chercha à appliquer l'ordre chronologique aux antiquités classiques; il eut aussi une part considérable dans les essais de classification rigoureusement chronologique dont fut l'objet le musée des souverains au château de Rosenborg.

Mais avec toute leur prédilection pour le système chronologique, ni Nyerup, ni Thomsen ne parvinrent à l'établir complétement dans les musées nationaux du Danemark. Dans son projet de musée national, le premier s'arrêta à la Réformation (1536); le second alla, pour les antiquités jusqu'à l'année 1660, date de l'établissement du pouvoir absolu. Leurs comtemporains qui ne comprenaient pas l'importance des dernières phases de la civilisation et qui montraient un dédain d'artistes pour le rococo et le style empire, ne s'étaient pas suffisamment rendu compte qu'un

musée d'histoire de la civilisation, comme l'histoire écrite elle-même, doit, pour bien éclairer le présent, jeter de la lumière sur toutes les périodes précédentes, sans en excepter la dernière d'où l'actualité s'est immédiatement développée.

un

Comme application de ce principe, lors de la dissolution de ce qui restait de l'ancien cabinet des arts (le musée de sculpture et d'industrie), la collection de Rosenborg fut réorganisée de manière à faire suite au musée des antiquités septentrionales et former, pour les temps modernes, musée d'histoire de la civilisation, groupé autour des souverains absolus (de 1660 à 1848) et dans lequel on chercha à mettre, autant que possible, de l'harmonie entre les objets et les salles des diverses périodes.

Les périodes récentes de l'histoire de Danemark seront ultérieurement et plus complétement représentées, notamment par des intérieurs caractéristiques, dans le musée populaire danois, qui sera particuliérement consacré à la bourgeoisie et à la classe rurale après la Réformation, et dans le Musée historique national du château de Frederiksborg nouvellement fondé et qui doit aussi peu à peu illustrer tout le développement du Danemark constitutionnel, depuis 1848.

Ce classement chronologique, appliqué à toutes ces collections et qui souvent a été étendu (au fur et à mesure que l'on a observé de moindres subdivisions dans les grandes périodes aussi bien de l'antiquité que du moyen âge), a été combiné avec l'ordre géographique, dont on ne tenait pas compte auparavant, mais qui n'est pas moins bien justifié. Dans l'ignorance où l'on était d'abord de l'ancienne situation du Nord, on s'était généralement figuré que la civilisation avait dû être à peu près identique dans les trois royaumes septentrionaux, écartés et placés, à ce que l'on croyait, dans des conditions particulières. Ni Nyerup ni Thomsen n'avaient eu de scrupules à donner à la collection des antiquités

Mém. d. antiqu, du Nord. 1885.

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danoises le nom de Musée des antiquités septentrionales et à y grouper ensemble dans les mêmes catégories des objets danois, norvégiens, suédois; ce à quoi contribua certainement l'union qui continua à subsister entre le Danemark et la Norvège, sept ans encore après la fondation du musée. C'est seulement plus tard qu'il fut prouvé que le Nord dut être sans cesse atteint dans l'antiquité par les grands courants de la civilisation, venant ordinairement du sud; que ceux-ci ont apporté les modèles de plusieurs particuliarités censées purement septentrionales; et que, suivant la nature du sol, ils ont dû se faire sentir beaucoup plustôt et plus facilement dans les plaines du Danemark que sur les hauts plateaux, montueux, boisés et isolés, de la peninsule scandinave. On s'aperçut alors que les diverses phases de la civilisation s'étaient manifestées à des époques très différentes dans les Etats septentrionaux, que l'on pourrait même dans chaque pays, constater des différences entre le sud, le nord et l'est du Danemark, entre les parties méridionales et septentrionales de la Norvège ou de la Suède etc., différences qui sont sensibles même dans les temps historiques. De même il est impossible que le développement de la civilisation ait eu lieu en même temps dans le nord et le sud de l'Allemagne ou de la France, en Angleterre et dans la lointaine Ecosse, ou bien dans l'Irlande non moins isolée. Il est donc de toute nécessité de subdiviser géographiquement les cadres chronologiques des musées d'histoire et d'archéologie, aussi bien en Danemark, en Suède et en Norvège que dans tous les autres pays.

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Il s'en faut pourtant beaucoup que la classification chronologico-géographique, si simple et si naturelle, ait été adoptée avec autant de conséquence et de profit en dehors du Nord que dans les pays scandinaves. Ici elle est complètement appliquée en Suède et en Norvège pour ce qui concerne le moyen àge et, pour les temps modernes, elle

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n'attend qu'une occasion favorable pour être réalisée avec autant d'étendue et de rigueur qu'en Danemark. Il y a, comme on sait, d'excellents éléments d'un musée suédois pour l'histoire de la civilisation moderne dans la Galerie royale des costumes (Kungliga klädkammar) à Stockholm, dont l'exposition et le classement scientifique dans un nouveau local, depuis longtemps projetés, ne se feront sans donte plus guère attendre.

En dehors de la Scandinavie, la Bavière est jusqu'ici le seul pays que l'on sache, où il ait été question de fonder un vrai musée national, comprenant l'antiquité, le moyen âge et les temps modernes jusqu'à nos jours, le tout disposé dans un ordre rigoureusement chronologique. Le plan était déja en grande partie réalisé, lors du décès de son éminent promoteur, le baron von Aretin (1868). Son successeur, le Dr. von Hefner-Alteneck, ne s'est malheureusement pas fait scrupule de bouleverser l'entreprise si bien commencée et de préférer un arrangement qui a fait du musée un mélange démodé et chaotique d'éléments purement nationaux et de produits fort disparates de l'art industriel.

Si l'on excepte la collection archéologique de l'université de Kiel, le musée des antiquités du château de St. Germain, le musée Ecossais d'Edinbourgh et quelques autres grandes collections d'Allemagne, de Hongrie et d'Italie, qui ont ainsi dire tous subi l'influence du système septentrional de classement, pourtant en général plutôt au point de vue chronologique qu'au point de vue géographique, il n'y a pas de collections où l'on ait cherché à appliquer complétement et rigoureusement cette méthode pour des sections plus limitées des périodes préhistoriques ou historiques; tantôt c'est l'ordre chronologique qui fait défaut, tantôt l'ordre géographique, si ce n'est parfois l'un et l'autre.

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