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Il est tombé entre mes mains vn vœu figné par les Religieufes de l'Annonciade, nouuellement establies à Paris, par lequel elles offrent toutes leurs mortificatios, leurs ieufnes, leurs prieres, en vn mot, toutes leurs fainctes actions, pour estre vnies & presentées à Dieu auec nos petits trauaux, à ce qu'il luy plaise d'ouurir les yeux d'vn peuple aueugle depuis tant de fiecles. Ie ne diray rien des meres Vrfulines, elles m'efcriuent auec vn tel feu, & en fi grand nombre, & de tant de diuers endroits, que fi on ouuroit la porte à leurs desirs, on composeroit vne ville de Religieufes, & il fe trouueroit dix maiftreffes pour vne efcholiere. Le fexe, l'aage, les maladies, les coliques tres-fenfibles n'empeschet point le facrifice qu'elles font à Dieu de leurs perfonnes, fi elles pouuoient apporter des villes toutes faites, & des terres toutes defrichées, ie ferois d'auis qu'on frestast des vaisseaux tout expres pour les paffer, autrement non, Dieu les entend auffi bien en l'ancienne France, qu'en la nouuelle. Le teps [12] viendra que quelques vnes d'entre elles obtiendront ce que demande vne armée, nostre Seigneur en fera le choix.

S'il me falloit rapporter toutes les deuotions des Dames de Montmartre, des Religieuses de l'Aue Maria à Paris, des filles de faincte Marie, de noftre Dame, en vn mot d'vne infinité de fainctes maisons, ie ferois vne Relation de ce qui fe paffe dans vostre France, pour le bien de la noftre.

Mettons en dernier lieu les Hofpitalieres, puis qu'elles doiuent paffer les premieres, ie leur auois mandé qu'elles m'enuoyaffent les noms de celles qui fouhaittoient venir en ces contrées, pour commencer cét eftabliffement: elles me refcriuent vne lettre

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eyes of a people blind for so many centuries. I will say nothing of the Ursuline mothers; they write me with such ardor, and in so great numbers, and from so many different places, that if the door were open for their desires, a city of Nuns would be formed, and there would be found ten teachers to one pupil. Sex, age, disease, severe attacks of seasickness, do not prevent them from making a sacrifice of their persons to God. If they could transport ready-made cities and cleared lands, I would advise that ships be chartered expressly to bring them over; otherwise, not, God hears them as well in old France as in the The time [12] will come when some of them will obtain what an army of them is demanding; our Lord will make his choice from among them.

new.

If I had to report all the acts of devotion of the Sisters of Montmartre, of the Nuns of Ave Maria at Paris, of the daughters of sainte Marie, of nostre Dame,—in a word, of a multitude of holy institutions, I should make a Relation of what is being done in your France for the welfare of ours.

Let us put in the last place the Hospital Nuns,8 since they are the first to cross over. I had written to them to send me the names of those who wished to come to these countries to begin that institution; they wrote me a letter full of edification, concluding that it would be necessary to set down the names of all in the house. This zeal is praiseworthy; but let them be persuaded, if they please, that those who might be too much grieved at not being the first to come over, are not the proper persons to come last. The spirit of God is not in a violent and troublous wind, Sed in aura tenui, factus est in pace locus ejus, it is in the gentleness of peace. Finally, as a conclusion

plaine d'edification, puis elles concluent qu'il faudroit marquer les noms de toute la maison, cette ardeur eft loüable, mais qu'elles fe perfuadent, s'il leur plaist, que celles qui s'attrifteroient par trop de ne point paffer les premieres, ne font pas propres de paffer les dernieres, l'esprit de Dieu n'est point dans vn fouffle violent, & plein de trouble, Sed in aura tenui, factus eft in pace locus eius, il eft dans la douceur de paix. En fin pour conclufion de ce chapitre, ie diray que noftre Seigneur embrasant tant de cœurs, animant [13] tant de perfonnes grandes en vertu, & en honneur, voulant estre prié de tant d'endroits, par des ames tres-efpurées, nous donne fuiet de croire qu'il veut eftre cogneu de ces peuples, & que noftre bassesse ne retardera point la grandeur de sa bonté, folicitée par les prieres & les vœux, & par les fecours de tant d'ames, qui n'ont point d'autre interest que fa gloire, noftre espoir eft renfermé en ces quatre paroles: In patientia veftra possidebitis animas veftras, c'est dans la feule patience qu'on recueille le fruict des ames. Il me femble que ie voy deux extremitez bien differentes en quelques perfonnes; les vns attendent trop toft, les autres reiettent trop loing la conuerfion des Sauuages, la patience fe loge au milieu, elle emportera ce que les vns penfent desia tenir, & qu'ils n'auront pas fi toft. Elle iouyra en fon temps de ce que les autres defesperent. O que ie ferois heureux d'estre vn petit grain de fable, ietté dans les plus creux fondemens de cette Eglife, fi l'edifice n'est pas fi toft efleué, il en fera plus ferme, & mieux fondé. Ainfi foit-il.

to this chapter, I will say that our Lord, kindling so many hearts, animating [13] so many persons great in virtue and in honor, wishing to be prayed to from so many places by the most purified souls, gives us reason to believe that he intends to be known to these peoples, and that our littleness will not hinder the excellence of his goodness, solicited by the prayers and vows, and by the help of so many souls, who have no other interests than his glory. Our hope is contained in these four words: In patientia vestra possidebitis animas vestras, in patience alone is gathered the harvest of souls. It seems to me I see two quite opposite extremes in various persons; some expect too soon, the others postpone too far, the conversion of the Savages. Patience abides on middle ground,— it will accomplish what some think they already hold, and what they will not have so soon; it will enjoy in its own time what others despair of. O that I might be blessed in being a little grain of sand cast into the depths of the foundation of this Church! If the edifice is not so soon erected, it will be firmer and more solid. So be it.

[13i.e., 14] CHAPITRE II.

DES BONS DEPORTEMENS DE NOS FRANÇOIS.

y a des terres fi bonnes & fi fertiles, qu'elles rendent le grain meilleur que la femence, qu'on leur a donné. Il y en a de fi malignes, quelles changent le bon grain en mauuais, metamorphofant le froment en feigle, & faisant degenerer l'orge en auoine: mais ie ne crois pas qu'il s'en trouue aucune dans le fein de la nature qui produife des efpics de froment, pour n'auoir receu que de la graine de chardons. Ce miracle neantmoins fe fait affez fouuent en la nouuelle France. Tous les ans les vaiffeaux nous apportent quantité de perfonnes qui viennent groffir noftre Colonie, ce nombre est meslé comme la monnoye d'or & de faux aloy, il eft compofé d'ames d'elites & bien choifies, & d'autres bien baffes & bien rauallées. Or il me femble que ie puis dire auec verité, que le Sol de la nouuelle France est arroufé [15] de tant de benedictions celeftes, que les ames nourries à la vertu y trouuent leur vray element, & partant s'y portent mieux qu'ailleurs; pour celles que leurs vices ont rendu malades, non feulement elles n'empirent point; mais bien fouuent venant à respirer vn air falubre, & bien efloigné des occasions du peché, changeant de climat, elles changent de vie, & beniffent cent mille fois la douce prouidence de Dieu, qui leur a fait trouuer la porte de la felicité, où les autres n'apprehendent que des miferes. Il est

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