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L'IMPRIME VR

aux Lecteurs.

SALVT.

M

ESSIEURS ayant ces iours passez imprimé l'Edict du Roy, contenant le pouuoir et commission donnee par sa Maiesté au sieur Marquis de la Roche pour la conqueste des terres-neufues, de Norembergue, Hauchelage, Canadas, Labrador, la grand' Baye, et terres adiacentes. Il m'est du depuis tombé entre les mains vn Discours du voyage fait ausdites terres, par le Capitaine Iaques Cartier, escrit en langue estrangere que i'ay fait traduire

en la nostre, par vn de mes amis. J'ay pensé qu'il ne seroit hors de propos de le mettre en lumiere, tant pour aider et seruir comme de guide à ceux qui auroyent desir d'entreprendre ledit voyage, que pour le contentement d'autres qui se plaisent en curieuses recherches et contemplations. Je vous prie le receuoir de telle affection que ie le vous presente.

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Le soleil a roulé quarante entiers voyages,

Faisant sourdre pour nous moins de iours que d'orages:

D'vn desastre mourant vn autre pire est né :

Et n'apperceuons pas le destin obstiné
(Chetifs) qui nos conseils rauage, comme l'onde
Qui és humides mois culbutant vagabonde
Du neigeux Pirenée, ou des Alpes fourchus,
Entraine les rochers et les chesnes branchus :
Ou comme puissamment vne tempeste brise
La fragile chalope en l'Ocean surprise.

Cedons, sages, cedons au Ciel qui dépité
Contre nostre terroir, profane, ensanglanté
De meurtres fraternels, et tout puant de crimes,
Crimes qui font horreur aux infernaux abismes,
Nous chasse à coups de foüet à des bords plus heureux :
Afin de r'auiuer aux actes valeureux,

Des renommez François la race abastardie:
Comme on voit la vigueur d'vne plante engourdie,
Au changement de place, alaigre s'éueiller,
Et de plus riches fleurs le parterre émailler.
Ainsi France alemande en Gaule replantée :
Ainsi l'antique Saxe en l'Angleterre entée.
Bref, les peuples ainsi nouueaux sieges traçans,
Ont redoublé gaillars leurs sceptres florissans:
Faisans voir que la mer qui les astres menace,
Et les plus aspres mons à la vertu font place.
Sus sus donc compagnons qui bouillez d'vn beau sang,
Et ausquels la vertu esperonne le flanc,

Allons où le bon-heur et le Ciel nous appelle;
Et prouignons au loing vne France plus belle.
Quitons aux faineans, à ces masses sans cœur,
A la peste, à la faim, aux ébats du vainqueur,
Au vice, au desespoir, ceste campagne usee,
Haine des gens de bien, du monde la risee.
C'est pour vous que reluit ceste riche toison
Deuë aux braues exploits de ce François Iason,
Auquel le Dieu marin fauorable fait feste,

D'vn rude Cameçon arrestant la tempeste
Les filles de Nerée attendent vos vaisseaux;
là caressent leur prouë, et balient les eaux

De leurs paumes d'yuoire, en double rang fenduës,
Comme percent les airs les voyageres Grues,
Quand la saison seuere et la gaye à son tour,
Les conuie a changer en troupes de seiour.
C'est pour vous que de laict gazouillent les riuieres:
Que maçonnent és troncs les mousches mesnageres :
Que le champ volontaire en drus espics iaunit:
Que le fidele sep sans peine se fournit

D'vn fruit qui sous le miel ne couue la tristesse,
Ains enclôt innocent la vermeille liesse.

La marâtre n'y sçait l'aconite tremper :
Ny la fieure alterée és entrailles camper:
Le fauorable trait de Proserpine enuoye
Aux champs Elysiens l'ame soule de ioye:
Et mille autres souhaits que vous irez cueillans,
Que reserue le Ciel aux estomachs vaillans.
Mais tous au demarer fermons ceste promesse :
Disons: plustost la terre vsurpe la vistesse
Des flambeaux immortels: les immortels flambeaux
Eschangent leur lumiere aux ombres des tombeaux:
Les prez hument plustost les montagnes fondues:
Sans montagnes les vaux foulent les basses nues :
L'Aigle soit veu nageant dans la glace de l'air :
Dans les flots allumez la Baleine voler :

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