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Le iour ensuyuant qui estoit le saiziéme de ce mois, nous nauigasmes le long de la coste par Surouest et quart de Su, enuiron trente cinq lieuës loin du Cap-double, et trouuasmes des montagnes treshautes et sauuages, entre lesquelles l'on voyait ie ne sçay quelles petites cabannes et pour ce les appellasmes les montagnes des Cabannes les autres terres, et montagnes sont taillees, rompues, et entrecoupees, et entre icelles et la mer, y en a d'autres basses. Le iour precedent pour le grand brouillas et obscurité du temps, nous ne peusmes auoir cognoissance d'aucune terre, mais le soir il nous apparut vne ouuerture de terre ressemblante à vne emboucheure de riuiere, qui estoit entre ces monts des Cabannes, Et y auoit là vn Cap vers Surouest esloigné de nous viron trois lieuës, et ce Cap en son sommet est sans pointe tout à l'entour, et en bas vers la mer il finist en pointe, et pour ce il fust appellé le Cap-pointu. Du costé du Nort de ce Cap, y a vne Isle plate. Et d'autant que nous desirions auoir cognoissance de ceste emboucheure pour voir s'il y auoit quelque bon

port, nous mismes la velle bas pour y passer la nuict. Le iour suyuant qui estoit le xvij. dudit mois, nous courusmes fortune à cause du vent de Nordest, et fusmes. contrains mettre la cauque souris et la cappe, et cheminasmes vers Surouest iusques au Ieudy matin, et fismes enuiron xxxvij. lieuës et nous nous trouuasmes au trauers d'vn Golfe plain d'Isles rondes comme Colombiers, et pour ce leur donnasmes le nom de Colombaires. Le golfe S. Iulian est distant sept lieuës d'vn Cap nommé Royal, qui reste vers Su et vn quart de Surouest. Et vers l'Ouest, Surouest de ce Cap, y en a vn autre, lequel au dessous est tout entrerompu, et est rond au dessus. Du costé du Nort y a vne Isle basse à viron demi-lieuë: et ce Cap fut appellé le Cap de Laict. Entre ces deux Caps y a de certaines terres, sur lesquelles y en a encores d'autres, qui demonstre bien qu'il y doit auoir des fleuues. A deux lieuës du Cap Royal, l'on y trouue fond de vingt brasses, et y a la plus grande pescherie de grosses Morues qu'il est possible de voir, desquelles nous en prismes plus de cent en

moins d'vne heure, en attendans la compagnie.

De quelques Isles entre le Cap-Royal et le Cap de Laict.

Le lendemain qui estoit le xviij. du mois le vent deuint contraire et fort impetueux, en sorte qu'il nous fallut retourner vers le Cap-Royal, pensans y trouuer port: et auec nos barques allasmes descouvrir ce qui estoit entre le Cap-Royal, et le Cap de Laict: et trouuasmes que sur les terres basses y a un grand golfe tres-profond, dans lequel y a quelques Isles, et ce golfe est clos et fermé du costé du Su. Ces terres basses font vn des costez de l'entree, et le Cap-Royal est de l'autre costé, et s'auancent lesdites terres basses plus de demilieuë dans la mer. Le pays est plat, et consiste en mauuaise terre et par le milieu de l'entree y a une Isle. Ce golfe est au quarante-huictiéme degré et demy de latitude, et de longitude, et en ce iour nous ne trouuasmes point de port: et pour ce

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la nuict nous retirasmes en mer, apres auoir tourné le Cap à l'Ouest.

De l'Isle Sainct Iean.

DEPUIS ledit iour iusques au xxiiij. du mois qui estoit la feste de S. Iean fusmes batus de la tempeste et du vent contraire : et suruint telle obscurité que nous ne peusmes auoir cognoissance d'aucune terre iusques audit iour S. Iean que nous descouurismes vn Cap qui restoit vers Surouest, distant du Cap-Royal viron trente cinq lieuës: mais en ce iour le brouillas fut si espais et le temps si mauuais que nous ne peusmes approcher de terre. Et d'autant qu'en ce iour l'on celebroit la feste de S. Iean Baptiste, nous le nommasmes Cap de S. Iean.

Des Isles de Margaux, et des espèces d'oiseaux et animaux qui s'y trouuent, de l'Isle de Brion, et du Cap du Dauphin.

Le lendemain qui estoit le xxv. le temps fut encores fascheux, obscur, et venteux, et nauigasmes vne partie du iour vers

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Ouest, et Norouest, et le soir nous prismes le trauers iusques au second quart que nous partismes de là, et pour lors nous cogneusmes par le moyen de nostre quadran que nous estions vers Norouest, et vn quart d'Ouest, esloignez de sept lieuës et demie du Cap S. lean, et comme nous voulumes faire velle, le vent commença a souffler de Norouest, et pour ce tirasmes vers Suest quinze lieuës, et approchasmes de trois Isles, desquelles y en auoit deux petites droites comme vn mur, en sorte qu'il estoit impossible d'y monter dessus, et entre icelles y a vn petit escueil. Ces Isles estoyent plus remplies d'oiseaux que ne seroit vn pré d'herbe, lesquels faisoyent là leurs nids, et en la plusgrande de ces Isles y en auoit vn monde de ceux que nous appellions Margaux qui sont blancs et plus grands qu'oysons, et estoyent separez en vn canton, et en l'autre part y auoit des Godets, mais sur le riuage y auoit de ces Godets et grands Apponats semblables à ceux de ceste Isle dont nous auons fait mention. Nous descendismes au plus bas de la plus petite et tuasmes plus de mille

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