Imágenes de páginas
PDF
EPUB

CHAPITRE III.

DES BONNES DISPOSITIONS DES SAUUAGES POUR LA

FOY.

OVT ce que nous difmes l'an passé des bene

Tov

dictions que Dieu donne à ceste nouuelle Eglife,

s'eft augmenté sensiblement depuis ce temps-la malgré toutes les oppofitions & tous les obftacles des Demons, & de leurs fuppôts. Nous auons baptizé plus de Sauuages que les années precedentes. Les familles Sedentaires ont perfeueré dans l'exercice du Chriftianifme, [38] & en ont difposé d'autre à les imiter: Les prieres fe font publiquement par tout. Les chants & les Tambours des forciers ou des jongleurs perdent leur credit. Le Nom de IESVSCHRIST fe va refpandant comme vn baume odoriferant, qui fe fait fentir bien loing dans ces vaftes contrées. Le bruit de nostre creance, & le fecours qu'on a commencé de donner à ceux qui fe font arrestez, a fait descendre iufques aux trois Riuieres plus de huict cens Algonquins, lefquels ont témoigné qu'ils ne s'approchoient de nous que pour entrer dans la cognoiffance du vray Dieu, si bien que ie puis dire que nous auons veu des Sauuages de plus de dix fortes. de Nations fléchir le genoüil deuant IESVs-Christ, preftans l'oreille à vn langage qu'ils n'auoient iamais entendu: Ie ne dy pas qu'ils foient tous conuertis, mais du moins ont-ils commencé à rendre quelque hommage à leur Dieu, affistans aux prieres que leurs

CHAPTER III.

OF THE FAVORABLE DISPOSITIONS OF THE SAVAGES

A

TOWARDS THE FAITH.

LL that we said last year of the blessings which God grants to this new Church, has been perceptibly increased since that time, in spite of all the opposition and obstacles of the Demons and of their tools. We have baptized more Savages than in previous years. The Sedentary families have persevered in the practice of Christianity, [38] and have inclined others to imitate them. Prayers are publicly said everywhere. The chants and Drums of the sorcerers or jugglers are losing their influence. The Name of JESUS CHRIST is spreading like a fragrant balm, making itself felt far away in these vast countries. The rumor of our faith and the assistance that we have commenced to give to those who have become settled, have induced over eight hundred Algonquins to come down as far as the three Riv ers, who have declared that they approached us merely for the purpose of acquiring knowledge of the true God. So indeed I may say that we have seen Savages of more than ten different Nations bend the knee before JESUS CHRIST, lending ear to a language they had never heard. I do not say that they are all converted, but, at least, they have commenced to render some homage to their God, being present at the prayers which their Countrymen or allies offer up into his hand. Now, that we may observe some

Compatriotes ou alliez luy presentet en sa main.

Or

afin de garder quelque ordre, voyons premierement les obftacles que nous auõs eu en l'instruction des vns & des autres, & puis nous verrons le bien que Dieu en a tiré.

[39] Il ne faut pas penfer que le Diable fe rende, ny fes fortereffes, fans combat. Quoy que les Sauuages témoignent qu'ils defirent estre instruicts, ils n'ont pas tous vn mefme fentiment, ny la volonté également bonne. Les meilleurs d'entre eux font preuenus dés le berceau de beaucoup d'erreurs, qui ne fe déracinent que petit à petit, à proportion que la lumiere & la grace entrent dans leurs ames. Comme ils ont efté affligez depuis quelques années de grandes maladies, & qu'ils s'imaginent quafi tous qu'ils ne meurent que par des fortileges. Deux étourdis d'entre eux voyans que tout le monde preftoit l'oreille à noftre creance, s'oppoferent à nous, crians que les prieres les faifoit mourir. L'vn deux vía de menace enuers les Peres qui appelloient les Sauuages pour eftre inftruicts en la Chappelle. Depuis, difoient-ils, que nous prions, nous voyons par experience que la mort nous enleue par tout; d'autres adiouftoient que les François eftoient vindicatifs au dernier poinct, & qu'on nous auoit mandé de France que nous tiraffions vengeance par vne mort generale de tous les pays de quelques François qui ont esté tuez par les [40] Sauuage il y a defia quelques années.

Vn certain forcier, ou plustost charlatan, homme de quelque credit parmy eux, voulut prouuer par noftre doctrine que nous leur caufions la mort: Les François enfeignent, difoit-il, que la premiere femme qui fut iamais a introduit la mort dedans le monde,

order, let us consider, in the first place, the obstacles that we have met in the instruction of both classes, and then we shall see the benefit that God has caused to be derived therefrom.

[39] It must not be imagined that the Devil surrenders, either himself or his fortresses, without a struggle. Although the Savages declare that they wish to be instructed, they are not all animated by the same spirit, nor are they all equally willing. The best of them are imbued from the cradle with many errors, which are eradicated only little by little, in proportion as light and grace enter into their souls. As they have been afflicted for several years with serious diseases and as nearly all imagine that their deaths are due solely to witchcraft, two headstrong fellows among them-seeing that every one listened attentively to our explanation of our belief-undertook to oppose us, publicly declaring that the prayers caused death among them. One of these used threats against the Fathers who called upon the Savages to receive instruction in the Chapel. "Since we pray," said they, we see by experience that death carries us off everywhere." Others added that the French were vindictive to the last degree, and that we had received orders from France to take revenge-through a general mortality among all the people of the country - for some Frenchmen who were killed by the [40] Savages several years ago.

66

A certain sorcerer, or rather charlatan, a man of some standing among them, sought to prove by our doctrine that we caused their death. "The French teach," said he, " that the first woman who ever lived brought death into the world; what they say is true, the women of their land are capable of such

ce qu'ils difent est vray, les femmes de leur païs font capables de ceste malice, & c'eft pour cela qu'ils les font paffer en ces contrées pour nous faire perdre la vie à tous tant que nous fommes, fi le peu qu'ils ont defia fait venir a tant tué de monde; celles qu'on atted perdront tout le refte, (le Diable fentoit defia la venue des Hospitalieres & des Vrfulines.) Tous ces mauuais bruits retardēt grandement la gloire de Noftre Seigneur, & le falut de ces pauures peuples, ç'a toufiours efté le deffein du malin esprit de décrier tant qu'il a pû ceux qui s'efforcent de tirer les ames des tenebres & du peché. La guerre qui eft furuenuë lors que ces bruits fembloient affoupis, & la défaite des Algonquins, a puiffamment diuerty les efprits des bonnes pensées que Dieu leur donnoit; neantmoins comme pas vn de ceux qui font baptisez n'a esté pris ou tué [41] dans le combat, ceste benediction en a confirmé plufieurs dans leur bonne volonté.

Bref, le peché ou l'accoûtumance au vice est vne chaifne tres-difficile à rompre. Nous [en] entendons tous les iours qui nous difent que noftre doctrine est bonne, mais que la pratique en eft fafcheufe. Les vns ont deux femmes qu'ils ayment, ou qu'ils leur font vtiles pour leur ménage; les autres font en credit par quelque fuperftitio, qu'il faudroit quitter s'ils fe faifoient baptizer. Les ieunes gens ne penfent pas pouuoir perfeuerer dans le mariage auec vne mauuaife femme, ou auec vn mauuais mary; ils veulent estre libres, & fe pouuoir repudier s'ils ne s'entr'ayment. Voila les principaux empéchemens exterieurs que nous auons eu dans l'exercice de nos fonctions; Voyons maintenant comme les forces des

« AnteriorContinuar »