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Lettre du Père Gabriel Marest, Missionnaire de la Compagnie de Jésus, au Père de Lamberville, de la même Compagnie, Procureur de la Mission du Canada.

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Il est un peu tard pour me demander des nouvelles de la baie d'Hudson. J'étais bien plus en état de vous en dire quand je repassai en France, en retournant des prisons de Plimouth. Tout ce que je puis faire maintenant, c'est de vous envoyer un extrait du petit Journal que j'écrivis en ce temps-là, et dont j'ai conservé une copie. Il commence par notre départ de Quebec, et finit par le retour des deux vaisseaux qui nous portèrent à cette baie. Trouvez bon néanmoins qu'auparavant je vous fasse part de ce que j'avais appris à Quebec, soit par rapport aux deux Jésuites qui avaient fait avant moi le même voyage, soit touchant la première découverte de la baie d'Hudson.

Il y a déjà plus de deux siècles que les Navigateurs de différentes Nations ont entrepris de s'ouvrir un chemin nouveau à la Chine et au Japon par le Nord, sans qu'aucun d'eux y ait pu réussir, Dieu y ayant mis un obstacle invincible par les montagnes de glace qu'on trouve dans ces mers. C'était dans le même dessein qu'en 1611 le fameux Hudson, Anglais, pénétra 500 lieues et davantage plus avant

Letter from Father Gabriel Marest, Missionary of the Society of Jesus, to Father de Lamberville of the same Society, Procura

tor of the Mission of Canada.

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It is rather late to ask me for news of Hudson's bay. I was in far better condition to tell you of it when I went back to France on my return from the prisons of Plimouth. All that I can do now is to send you an extract from the little Journal which I wrote at that time, and of which I have kept a copy. It begins with our departure from Quebec, and ends with the return of the two vessels which carried us to that bay. Nevertheless, first allow me to inform you of what I had learned at Quebec-both in regard to the two Jesuits who had made the same voyage before me, and concerning the first discovery of Hudson's bay.

It is already more than two centuries since Navigators of various Nations undertook to open a new way to China and Japan by the North; and yet none of them have succeeded, God having placed in their way an invincible barrier in the icebergs that are found in these seas. It was with the same design that in 1611 the famous Hudson, an Englishman, penetrated 500 leagues and more farther north than the others, to the great bay that to-day bears his

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que les autres, par la grande baie qui porte aujourd'hui son nom, et dans laquelle il passa l'hiver. Il voulait continuer sa route au printemps de l'année suivante: mais les vivres commençant à lui manquer, et les maladies ayant affaibli son équipage, il se vit contraint de retourner en Angleterre. Il fit, deux ans après, une seconde tentative, et il avança en 1614 jusqu'au 82. degré. Il y fut tant de fois en danger de périr, et il eut tant de peine à s'en retirer, que depuis ce temps-là, ni lui, ni aucun autre n'ont plus osé s'engager si loin.

Cependant les Marchands Anglais, pour profiter des voyages et des découvertes de leurs compatriotes, ont fait depuis un établissement à la baie d'Hudson, et y ont commencé le commerce des pelleteries avec plusieurs Indiens septentrionaux, qui, pendant le grand été, viennent, dans leurs pirogues, sur les rivières qui se déchargent dans cette baie. Les Anglais n'y bâtirent d'abord que quelques maisons pour y passer l'hiver et y attendre les sauvages. Ils y eurent beaucoup à souffrir, et plusieurs y moururent du scorbut. Mais comme les pelleteries que les sauvages apportent à cette baie sont très-belles, et que les profits y sont grands, les Anglais ne furent point rebutés par l'intempérie de l'air, ni par la rigueur du climat. Les Français du Canada voulurent s'y établir de même, prétendant que plusieurs des terres voisines étant du même continent que la nouvelle France, ils avaient droit d'y négocier par le 51.o degré, et même plus haut.

La mésintelligence se mit bientôt entre les deux Nations; chacun bâtit des forts pour se mettre réciproquement à couvert des insultes les uns des autres.

name, and at which he passed the winter. In the spring of the following year he tried to continue his route; but, provisions beginning to fail him, and diseases having enfeebled his crew, he found himself compelled to return to England. Two years after, he made a second attempt; and in 1614 he pushed on as far as the 82nd degree. He was so many times in danger of perishing there, and he had so much. difficulty in retreating, that since that time neither he nor any other has again dared to penetrate so far.

However, the English Merchants, in order to profit by the voyages and discoveries of their fellowcountrymen, have since then made a settlement at Hudson's bay, and have begun there a trade in furs, with many northern Indians-who during the long summer come, in their pirogues, on the rivers which empty into that bay. At first, the English built only a few houses, that they might pass the winter in them and await the savages. They had much to suffer, and many died there from scurvy. But, as the furs that the savages bring to that bay are very fine, and as the profits on them are great, the English were not deterred by the inclemency of the weather or the severity of the climate. The French of Canada likewise undertook to settle there-claiming that, as many of the neighboring lands are on the same continent as new France, they had the right to trade in them to the 51st degree, and even farther north.18

Misunderstandings very soon arose between the two Nations; both built forts, in order that each might be sheltered from the attacks of the other. The frequent maladies and the continual dangers to which people are exposed in this perilous navigation

Les fréquentes maladies et les dangers continuels auxquels on est exposé dans cette périlleuse navigation, obligèrent les Français à ne la point entreprendre, sans avoir avec eux un aumônier. C'est en cette qualité que le Père Dalmas, natif de Tours, s'embarqua pour la baie d'Hudson. Y étant arrivé, il s'offrit à rester dans le fort, tant pour y servir les Français qu'on y laissait en garnison, que pour avoir occasion d'apprendre la langue des sauvages qui y apportent leurs pelleteries pendant l'été, et pour pouvoir ensuite leur aller annoncer l'Evangile. Le vaisseau qui devait leur apporter des vivres l'année suivante, ayant toujours été repoussé par la violence des vents contraires, ceux qui étaient restés dans le fort périrent pour la plupart de faim ou de maladies: ils étaient réduits à huit seulement; cinq desquels s'étant détachés pour aller chasser sur les neiges dans les bois, laissèrent dans le fort le Père Dalmas, le Chirurgien et un Taillandier.

Etant de retour quatre ou cinq jours après, ils furent fort surpris de ne plus trouver ni le Père ni le Chirurgien. Ils demandèrent au Taillandier ce qu'ils étaient devenus. L'embarras où ils le virent, les mauvaises réponses qu'il leur donna, quelques traces de sang qu'ils aperçurent sur la neige, les déterminèrent à se saisir de ce misérable et à le mettre aux fers. Se voyant arrêté et pressé par les remords de sa conscience, il avoua qu'étant mal depuis long-temps avec le Chirurgien, il l'avait assassiné un matin, et qu'il avait traîné son corps dans la rivière, où il l'avait jeté par un trou qu'il avait fait à la glace; qu'ensuite étant retourné au fort, il y trouva le Père dans la Chapelle qui se

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