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[1] Relation de ce qui s'eft paffé dans le Pays des Hvrons en l'annee 1636.

Enuoyée à Kébec au R. P. Paul le Ieune Superieur de la Mission de la Compagnie de IEsvs, en la Nouuelle France.

M

ON REVEREND PERE,

Ayant appris, tant par vos lettres, que par

le recit des Peres, qui arriuerent heureusement l'an paffé, comme l'ancienne France brusle de tres-ardens defirs pour la Nouuelle; que noftre R. P. General cherit cette Miffion comme la prunelle de fes yeux; que le P. Prouincial s'y porte de tout fon cœur; que le feu est si grand dans nos Colleges, qu'il eft plus difficile d'appaifer les [2] larmes de ceux qu'on éconduit, & aufquels on refufe de nous venir ayder, que de trouuer des ouuriers; qu'vne infinité de perfonnes Relig[i]eufes & feculieres, offrent continuellement à Dieu leurs prieres & leurs vœux pour la conuerfion des pauures Barbares de tout ce pays, & qu'en la Maison de Montmartre, fans parler des autres, il y a inceffamment nuict & iour vne Religieuse prosternée deuant le S. Sacrement, qui prie à cefte intention: Tout cela nous fait croire & efperer, que Dieu veut maintenant ouurir les threfors de fes graces & faueurs deffus ces pauures Peuples, & leur deffiller les yeux de l'ame pour cognoistre la verité. Car il n'inciteroit pas tant de deuotes personnes à demander, s'il n'auoit enuie de les exaucer: Ioint que nous fçauons que la peuplade de Kebec se va grande

[1] Relation of what occurred in the Country of the Hurons in the year 1636.

Sent to Kébec to Reverend Father Paul le Jeune, Superior of the Mission of the Society of Jesus, in New France.

Y REVEREND FATHER,

M*

Having learned from your letters, and from the statements of the Fathers who arrived here fortunately last year, how old France is burning with ardent desires for the New; that our Reverend Father General cherishes this Mission as the apple of his eye; that the Father Provincial is inclined to it with his whole heart; that the ardor in our Colleges is so great that it is more difficult to check the [2] tears of those who are turned away, and refused permission to come to our assistance, than to find those who will work; that a very great number of persons, Religious and secular, are continually offering their prayers and their vows to God for the conversion of the poor Barbarians of this whole country; and that in the House of Montmartre, not to speak of others, a Nun is prostrated night and day before the Holy Sacrament, praying for this result; all this makes us hope and believe that God will now open the treasures of his grace and favor upon these poor Peoples, and unseal the eyes of their souls to know the truth. For he would not incite so many devout persons to ask, if he had not the inclination to grant their prayers. Besides, we learn that the colony of Kebec is rapidly increasing, through the efforts

ment multipliant par les foins de Meffieurs les Affociez de la Compagnie de la Nouuelle France, qui n'efpargnent rien de leur cofté; & que nous efperons que le bon exemple de nos François feruira grandement, tant à ramaffer & encourager les Sauuages errants, & faineants au trauail, qu'à les porter à vouloir faire pour Dieu ce qu'ils verront eftre faisable. Outre que ie puis dire [3] auec raison, que fi la diuine Bonté continue à répandre fes faueurs & benedictios fur nos Hurons, & fur nous, qui les cultiuons, ainfi comme elle a fait depuis noftre arriuée, il faut dans [sans] doute attendre icy vn iour vne plantureuse moisson des ames. Ce n'eft pas qu'il n'y ait parmy ces Peuples beaucoup d'erreurs, de superstitions, de vices, & de tres-mauuaifes couftumes à dèraciner, encore plus que nous ne nous estions figurez au commencement, ainsi qu'il fe verra au cours de cefte Relation. Mais auec Dieu rien n'eft impoffible; c'est par fon ayde que nous auons defia planté la Croix parmy ceste Barbarie, & que nous commençõs & continuërons, s'il luy plaift, à publier le nom & les merueilles de celuy, qui par la Croix a racheté le monde. Mais en voila affez en general, il faut defcendre plus en particulier; ce que ie feray volontiers, & amplement, vous affeurant que ie n'auanceray rien que ie n'aye veu moy-mesme, ou que ie n'aye appris de personnes dignes de foy.

of Messieurs the Associates of the Company of New France, who spare no pains on their side; and we hope the good example of our Frenchmen will greatly aid not only to bring together and encourage to work the idle and wandering Savages, but to incite them to do for God what they shall find practicable. Moreover, I can say [3] with reason that if divine Goodness continues to scatter his favors and blessings on our Hurons, and on us who labor among them, as freely as he has done since our arrival, we ought, without doubt, to expect here some day an abundant harvest of souls. It is true, there are among these Tribes many errors, superstitions, vices, and utterly evil customs to uproot,- more than we had imagined at first, as will be seen in the course of this Relation; but with God nothing is impossible. It is by his aid that we have already planted the Cross in the midst of this Barbarism, and are beginning and will continue, if it please him, to make known the name and marvelous works of him who by the Cross has redeemed the world. But enough has been said in a general way; it is time to enter into particulars, which I shall willingly and fully do, assuring you that I shall state nothing that I have not seen myself or have not learned from persons worthy of credence.

[4] Premiere Partie.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA CONUERSION, BAPTESME & HEUREUSE MORT DE QUELQUES HURONS, & DE L'ESTAT DU CHRISTIANISME EN CESTE BARBARIE.

ILY

L y en a eu ceste année quatrevingts fix de baptifez, aufquels ioignant les quatorze de l'année paffée, ce font en tout cent, que nous croyons eftre fortis de la feruitude du diable en ce pays depuis noftre retour. De ce nõbre Dieu en a appellé dix au Ciel, fix en bas aage, & quatre plus aduancez. L'vn d'iceux nomé François Sangɣati eftoit Capitaine de noftre village; il eftoit naturellement bon, & confentit tres volontiers à eftre inftruit, & receuoir le S. Baptefme, qu'il auoit auparauant loüé & approuué en autruy. I'admiray la douce Prouidence de Dieu en la conuerfion d'vne femme, qui eft l'vne des quatre decedez; laquelle ie baptifay [5] cet Automne au village de Scanonaenrat, en retournant de la maifon de Louys de faincte Foy, où nous eftions allez instruire fes parens. La furdité de ceste malade, & la profondeur des mysteres que ie luy proposois, faifoit qu'elle ne m'entendoit pas fuffifamment, ioinct que l'accent de ceste Nation, vn peu different de celuy des Ours où nous fommes, mefme mon ignorance en la langue, accroiffoient la difficulté, & me rendoient moins intelligible. Mais Noftre Seigneur qui vouloit fauuer

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