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Missionnaire chez les

Lettre du Père * * *

Abnakis.

De SAINT-FRANÇOIS,

le 21 Octobre 1757.

E partis le 12 de Juillet de Saint-François, principal Village de la Mission Abnakise, pour me rendre à Montréal; le motif de mon voyage était uniquement de conduire à M. le Marquis de Vaudreuil une députation de vingt Abnakis, destinés à accompagner le Père Virot, qui est allé essayer de fonder une nouvelle Mission chez les Loups d'Oyo ou de la belle rivière. La part que je puis avoir dans cette glorieuse entreprise, les évènemens qui l'ont occasionnée, les difficultés qu'il a fallu surmonter pourront fournir dans la suite une matière intéressante pour une nouvelle Lettre. Mais il faut attendre que les bénédictions répandues aient couronné les efforts que nous avons faits pour porter les lumières de la Foi chez des peuples qui paraissent si disposés à les recevoir.

On

Arrivé à Montréal, distant de ma Mission d'une journée et demie, je me comptais au terme de mon voyage: la Providence en ordonna autrement. méditait une expédition contre les ennemis, et sur les dispositions des Nations Sauvages, on s'attendait au plus grand succès. Les Abnakis devaient être de la partie, et comme tous les Sauvages Chrétiens sont accompagnés de leurs Missionnaires, qui s'empressent

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I

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October 21, 1757.

SET out on the 12th of July from Saint François, the principal Village of the Abnakis Mission to go to Montreal; the purpose of my journey was simply to bring to Monsieur the Marquis de Vaudreuil a deputation of twenty Abnakis appointed to accompany Father Virot, who has gone to try to found a new Mission among the Loups of Oyo, or the beautiful river. The share that I was allowed to have in that glorious enterprise, the events which caused it, and the difficulties that it was necessary to overcome, may furnish hereafter interesting material for another Letter. But I must wait until manifest blessings shall have crowned the efforts which we made to carry the knowledge of Faith to tribes that appear inclined to receive it.

When I arrived at Montreal,-a day and a half distant from my Mission,-I thought myself at the end of my journey; but Providence ordered otherwise. An expedition was projected against the enemy; and, on account of the state of feeling among the Savage Tribes, the greatest success was expected. The Abnakis were to be of the party; and, as all the Christian Savages are accompanied by their Missionaries, who are eager to furnish them the aid suitable to their office, the Abnakis could be sure that I

de leur fournir les secours propres de leur ministère, les Abnakis pouvaient être sûrs que je ne les abandonnerais pas dans une circonstance aussi critique. Je me disposai donc au départ; mes équipages furent bientôt prêts: une Chapelle, les saintes Huiles, ce fut tout, me confiant pour le reste à la Providence qui ne m'a jamais manqué. Je m'embarquai deux jours après sur le grand fleuve de saint Laurent, de compagnie avec deux Messieurs de Saint-Sulpice. L'un était M. Picquet, Missionnaire des Iroquois de la Galette, et le second, M. Mathavet, Missionnaire des Nipistingues du lac des deux Montagnes. Mes Abnakis étaient campés à Saint-Jean, un des forts de la Colonie, éloigné d'une journée de chemin de Montréal. Mon arrivée les surprit; ils n'étaient pas prévenus. A peine m'eurent-ils aperçu, qu'ils firent retentir du bruit de mon arrivée les bois et les montagnes voisines; tous, jusqu'aux enfans (car chez les Sauvages on est soldat dès qu'on peut porter le fusil). Oui, les enfans eux-mêmes me donnèrent des marques de leur satisfaction. Nemittangoustena, Nemittangoustena, s'écrièrent-ils dans leur langue! Ourionni eri namihoureg; c'est-à-dire, notre Père, notre Père, que nous te sommes obligés de ce que tu nous procures le plaisir de te voir! Je les remerciai en peu de mots de la bonne volonté qu'ils me témoignaient. Je ne tardai pas à m'acquitter auprès d'eux des devoirs de mon Ministère. A peine eus-je fait dresser ma tente, que je me hâtai de les rejoindre. Je les conduisis au pied d'une grande croix, placée sur le bord de la rivière. Je leur fis à haute voix la prière du soir. Je la terminai par une courte exhortation, où je tâchai de leur retracer les obligations

would not abandon them at so critical a moment. I therefore prepared for my departure; my equipment was very soon ready,-a Chapel, the holy Oils, these were all; for everything else, I trusted the Providence that has never failed me. Two days afterward, I embarked on the great river saint Lawrence in company with two Gentlemen from Saint Sulpice. One was Monsieur Picquet, Missionary of the Iroquois from la Galette; and the other was Monsieur Mathavet, Missionary of the Nipistingues from the lake of the two Mountains. My Abnakis were encamped at Saint Jean, one of the Colony's forts distant from Montreal a day's journey. My arrival surprised them; they had not been informed of my coming. Hardly had they perceived me when they made the woods and the neighboring mountains resound with the report of my approach; all, even the children (for, with the Savages, they are soldiers as soon as they can carry a gun), uttered shouts. Yes, even the children gave me proofs of their satisfaction. Nemittangoustena, Nemittangoustena, they exclaimed, in their own language. Ourionni eri namihoureg,- that is to say: "Our Father, our Father, how obliged we are to thee for giving us the pleasure of seeing thee!" I thanked them in a few words for the good will that they were expressing toward me. I did not delay to perform in their presence the duties of my Office. I had scarcely caused my tent to be set up before I hastened to join them; and I led them to the foot of a large cross placed on the bank of the river. I recited aloud the evening prayer, and ended with a short exhortation, in which I endeavored to point out to them the duties of a warrior whom Religion guides in his

d'un guerrier que la Religion conduit dans les combats. Je les congédiai après leur avoir annoncé la Messe pour le lendemain. Je comptais que ce serait le jour de notre départ: le mauvais temps trompa nos espérances. Nous fumes obligés de camper encore ce jour-là, qui fut employé à faire les dispositions propres à assurer notre marche.

Sur le soir la libéralité d'un Officier nous procura un de ces spectacles militaires sauvages, que bien des personnes admirent, comme étant capables de faire naître dans les cœurs des plus lâches cette ardeur martiale qui fait les véritables guerriers; pour moi, je n'y ai jamais aperçu qu'une farce comique, capable de faire éclater de rire quiconque ne serait pas sur ses gardes. Je parle d'un festin de guerre. Figurez-vous une grande assemblée de Sauvages parés de tous les ornemens les plus capables de défigurer une physionomie à des yeux Européens. Le vermillon, le blanc, le vert, le jaune, le noir fait avec de la suie ou de la raclure des marmites; un seul visage sauvage réunit toutes ces différentes couleurs méthodiquement appliquées, à l'aide d'un peu de suif qui sert de pommade. Voilà le fard qui se met en œuvre dans ces occasions d'appareil, pour embellir non-seulement le visage, mais encore la tête, presque tout-à-fait rasée, à un petit flocon de cheveux près, réservé sur le sommet pour y attacher des plumes d'oiseaux ou quelques morceaux de porcelaine, ou quelqu'autre semblable colifichet. Chaque partie de la tête a ses ornemens marqués: le nez a son pendant. Il y en a aussi pour les oreilles, qui sont fendues dès le bas âge, et tellement allongées par les poids dont elles ont été surchargées, qu'elles

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