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HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR

PIERRE PUGET.

Il semble que la nature, en inspirant les mêmes goûts à Michel-Ange Buonarotti et à Pierre Puget, leur ait aussi donné le même caractère; tous deux, de mœurs violentes, avaient une ame pleine de fierté; tous deux étaient incapables de fléchir, ni par flatterie ni par intérêt; tous deux enfin semblaient se faire un jeu de changer le but de leurs études, et se servaient alternativement du ciseau, du pinceau et du compas.

Pierre Puget naquit à Marseille, le 31 octobre 1622; son père, Simon Puget, était sculpteur en bois; il le plaça d'abord chez un nommé Roman, constructeur de galères; mais bientôt l'élève s'aperçut que son maître n'avait rien à lui apprendre; de son côté Roman, étonné des talens du jeune homme, lui laissait la conduite de ses travaux. Une occupation de cette nature ne pouvait convenir à Puget, ses désirs le portaient vers Rome; et, sans consulter ses parens, sans calculer ses ressources, à peine âgé de 17 ans, il quitta sa ville natale et se dirigea vers la patrie des arts. A peine arrivé à Florence, il fut forcé de s'y arrêter pour y chercher à vivre de son travail, mais il éprouva plusieurs refus. Jeune, étranger, c'en était assez pour lui fermer tous les ateliers. Un vieux sculpteur en bois se laissa cepen

Puret fils p.

PIERRE PUJET

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dant émouvoir par le récit simple et touchant du jeune artiste, et par quelques larmes que lui arrachait le dénûment dans lequel il était. La protection de ce vieillard lui fit obtenir du sculpteur du grand-duc quelques travaux peu dignes de lui : il les termina en moins de temps que les autres ouvriers, et montra tant de supériorité, que bientôt le sculpteur italien, voyant le mérite du jeune Français, l'accueillit chez lui et le reçut à sa table.

Après une année de séjour à Florence, notre sculpteur quitta cette ville pour aller à Rome. La réputation dont jouissait alors Pierre Berettini donna à Puget le désir de recevoir ses conseils : l'art qu'il lui voyait exercer semblait lui offrir plus d'attraits que la sculpture. Prenant alors le pinceau, il fit en peu de mois des progrès si étonnans que ses ouvrages servirent de prétexte au maître pour reprocher à ses autres élèves de se laisser ainsi surpasser par un étranger, qui n'avait eu, en quelque sorte, d'autre maître que la nature. On assure même qu'il imita si bien la manière de Pietre de Cortone qu'un de ses tableaux passa quelque temps pour être de son maître.

Ayant passé deux années à Rome, Puget fut ramené à Florence, en 1642, par Berettini, que le grand-duc venait d'y appeler pour peindre les plafonds du palais Pitti; mais Puget ne resta pas long-temps dans cette ville; et, après une absence de quatre années, il revint dans sa ville natale.

Des officiers de la marine royale ayant visité Puget furent frappés de la beauté des projets qu'il avait faits pour orner les navires : ils en informèrent le surintendant de la marine, et le sculpteur fut appelé à Toulon; c'est alors qu'il imagina de faire ces galeries qui donnent aux grands bâtimens tant de magnificence que les étrangers se sont empressés de les imiter, et que depuis elles ont toujours été pratiquées dans la construction des vaisseaux.

L'activité d'esprit dont Puget était doué le mit dans le cas

de se faire remarquer dans tout ce qu'il entreprit. Il se distingua comme ingénieur par la construction de plusieurs navires, et par l'invention de machines pour décharger les vaisseaux et pour retirer les bois des bassins : c'est lui aussi qui introduisit l'usage des grues, dont deux furent exécutées à Toulon sous ses ordres.

Les tableaux de Puget sont peu connus hors de son pays; cependant il fit pour la reine Anne d'Autriche un tableau de douze pieds représentant le bâtiment qu'il venait de construire, et qui, en 1646, reçut le nom de la Reine. Il fit pour l'église des jésuites d'Aix une Annonciation et une Visitation. Le premier de ces tableaux est encore à Aix, dans le cabinet de M. de Fons-Colombe. Il fit pour la cathédrale de Marseille trois autres tableaux qui sont maintenant au musée de cette ville : le Baptême de Constantin et celui de Clovis, puis un Christ soutenu par des anges, tableau d'un effet très piquant, d'une composition heureuse et d'une belle couleur.

Il fit aussi plusieurs tableaux de chevalet, parmi lesquels on remarque un David dans le goût du Guide, un Enfant Jésus dans la crèche, une Fuite en Égypte, un saint Jean-Baptiste, un saint Denis, une Bacchanale, et un tableau représentant l'éducation d'Achille par le centaure Chiron.

Puget, dans différentes circonstances, eut lieu de faire connaître ses talens comme architecte : c'est lui qui donna le plan du Cours de Marseille, mais on supprima de son projet l'arc de triomphe par lequel il voulait terminer cette promenade. Il avait fait, aussi pour Marseille, un projet d'hôtel-de-ville, et commença à bâtir l'arsenal de la marine à Toulon; mais cet ouvrage ayant été suspendu, le feu prit à la partie qu'il venait de construire, tandis qu'un nouvel architecte continuait les constructions sur un plan différent. Puget bâtit aussi plusieurs maisons particulières, soit à Toulon, soit à Aix, pour le marquis d'Argens; il fit deux maisons pour lui, l'une à Marseille dans

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