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Le Roi allant en Flandre en 1662, il voulut que Le Brun fùt du voyage afin de voir les entrées triomphantes de la Reine dans les villes conquises. A son retour il eut la direction du brillant carrousel, donné dans la grande place qui en a conservé le nom. Il acheva aussi de traiter l'histoire d'Alexandre dans ces grandes et sublimes compositions que nous avons donnés sous les no. 478, 484, 491, 496 et 503, et qui ont été si bien gravés par Gérard Audran.

En 1664, Le Brun fut chargé des peintures et décorations du grand escalier des appartemens de Versailles, de celles des Tuileries, de la galerie d'Apollon au Louvre, Les peintures de cette voûte ne furent pas terminées, mais on en connaît les compositions par les gravures de Saint-André.

En 1667 Colbert vint à l'Académie de peinture faire la première distribution des prix fondés par le Roi. Il engagea l'Académie à avoir des conférences sur l'art. Le Brun fut le premier à les ouvrir par deux discours l'un sur le Saint-Michel de Raphaël, l'autre sur la Manne du Poussin. Il lut aussi des dissertations sur le coloris, sur le rapport entre la physionomie de l'homme et celle des animaux, et enfin sur les passions. Ces deux derniers ouvrages étaient accompagnés de dessins qui ont été gravés.

Le chancelier Séguier élant mort en 1672, l'Académie, dont il avait été le protecteur et le fondateur, voulut donner un témoignage public de sa douleur en faisant faire un service solennel dans l'église de l'Oratoire; Le Brun, voulant aussi acquitter la dette de sa reconnaissance personnelle, se chargea de diriger cette fête funèbre, dont les magnifiques décorations occupaient l'église entière et dans lesquelles se trouvaient placés quatorze tableaux où Le Brun retraça les principaux faits de la vie de l'illustre défunt.

Le Brun, déjà si célèbre, acquit une nouvelle renommée par la peinture de la grande galerie de Versailles, où il représenta l'histoire de Louis XIV depuis 1661 jusqu'en 1678.

Ce grand et beau travail fut justement admiré. Cependant il trouva aussi des critiques, qui prétendirent qu'il avait eu tort de traiter d'une manière allégorique l'histoire du roi, ou au moins qu'il aurait dû y mettre plus de clarté. Ces peintures étaient, selon eux, si peu intelligibles, que l'on avait été forcé pour les faire comprendre de placer des inscrip. tions au bas de chaque sujet.

Ces observations, présentées sans importance, acquirent un degré de méchanceté, lorsqu'après la mort de Colbert on crut que le premier peintre, n'ayant plus de protecteur auprès du roi, deviendrait plus facile à attaquer. On ne peut même se dispenser de dire que ces sarcasmes, répétés par les amis de Mignard, pouvaient bien avoir la jalousie pour base.

De semblables critiques n'empêchèrent pas Le Brun d'être estimé dans toute l'Europe; il reçut un témoignage bien flatteur de l'Académie de Saint-Luc à Rome, qui en 1676 le nomma son Prince, dérogeant ainsi à ses statuts, qui exigeaient la résidence à Rome, du chef de l'académie.

Charles Le Brun était en possession de donner les idées de tout ce qui se faisait dans les arts. C'est à lui que Colbert demanda le dessin de la chaire de Saint-Eustache. A la mort de cet illustre ministre il donna la composition de son tombeau, exécuté par Coisevox et Tuby. C'est lui aussi qui composa le tombeau, qu'il fit élever à sa mère, dans l'église SaintNicolas-du-Chardonnais.

Ayant terminé les peintures de la grande galerie de Versailles, il ne quitta pas encore le piuceau et fit pour le го plusieurs tableaux. En 1685 il présenta au Roi son portement de croix, et Moïse défendant les filles de Jéthro. Ces morceaux furent trouvés admirables; on les vantait à l'égal de ceux du Poussin. Le Roi, pour honorer la mémoire du peintre mort vingt ans auparavant, dit que les bons tableaux semblaient encore acquérir du prix après la mort de leur auteur,

puis se tournant vers Le Brun, il ajouta : « Pourtant ne vous pressez pas de mourir, je vous estime dès à présent autant que pourra le faire la postérité. »

Avant de terminer sa carrière, Le Brun fit encore un Calvaire et l'entrée de Jésus-Christ dans Jérusalem, puis une Nativité qu'il venait à peine de finir, lorsqu'il fut surpris par la maladie dont il mourut le 12 février 1690.

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Nous ne pouvons mieux terminer cette notice, qu'en rapportant l'opinion émise par Taillasson, sur le talent de Le Brun « Rapide comme les armées de Turenne et de Condé, sanoble imagination a couvert les voûtes des palais de Louis XIV des représentations pompeuses de ses conquêtes. Par l'abondance des pensées, par des allégories pleines d'esprit, de clarté et de noblesse, il a montré dans ces immenses travaux toute l'étendue et toute la richesse de son génie. Cette abondance et cette richesse sont les principaux caractères de son originalité. Il fut dans sa jeunesse jeté par les destinées au milieu des palais des rois, et son esprit, exalté par l'éclat d'une cour fastueuse, en prit de bonne heure l'orgueilleuse physionomie qui, empreinte dans tous ses ouvrages, fait encore un de ses caractères distinctifs. Ses ordonnances sont grandes et faciles; jamais des lignes désagréables n'y fatiguent les yeux, mais on n'y trouve jamais cette intéressante simplicité qui touche : elles excitent l'admiration, l'étonnement, et cette sorte de plaisir que l'on éprouve en voyant de grands spectacles, des choses extraordinaires, des cérémonies magnifiques, des marches triomphales. Il semble qu'il se plaisait particulièrement à peindre tout ce que Louis XIV aimait à voir. Ses groupes sont disposés aisément, noblement; ils présentent toujours de belles lignes et de grands effets; ses figures sont bien ajustées; il ne se piquait pas d'une scrupuleuse exactitude dans le costume, mais il ne l'ignorait pas, et il n'en prenait que ce qui convenait à son goût. Quoiqu'il y ait un peu de lourdeur dans l'exécution de ses draperies,

et dans leurs agencemens, elles sont toujours jetées d'une manière grande, riche et tout-à-fait à lui. Son dessin est savant, il a de la correction, de l'originalité; les formes en sont nobles; mais on leur reproche avec raison d'être un peu lourdes, et elles n'ont pas tout l'intérêt et toute la variété de la nature. Sans doute occupé de tant d'ouvrages à la fois, il n'avait pas le temps de la consulter assez. Semblable aux conquérans qu'il a peints, son génie ambitieux et infatigable voulait envahir tous les travaux; n'en trouvant pas encore assez de ceux dont il était chargé, et dont tout autre eût été accablé. Sa couleur n'est pas ce qui fait sa célébrité, elle est cependant souvent très-belle, toujours vigoureuse et harmonieuse. »

Les tableaux de Le Brun sont si nombreux que l'on ne pourrait en donner exactement le nombre; cependant on peut dire qu'ils passent le nombre de quatre cent et que plusieurs sont d'immenses compositions. Il a gravé à l'eau -forte trois pièces qui n'offrent pas un grand intérêt.

Parmi ses élèves on remarque principalement, Verdier, Houasse, Lefebvre, Vivien, La Fosse et Claude Audran, neveu du célèbre graveur Gérard Audran.

Les pièces gravées d'après Le Brun passent le nombre de 800 pieces. Les principaux graveurs qui ont travaillé d'après lui, sont Gérard, Benoît et Jean Audran, Edelinck, Poilły, Picart, Leclerc, Boulanger, Chauveau, Lenfant, Saint-André, Surugue et Desplaces.

HISTORICAL AND CRITICAL

NOTICE

OF

CHARLES LE BRUN.

Remarkable ages seem to bring forth at the same time remarkable geniuses in every department. Thus we see an Apelles appear with an Alexander ; a Raphael under the Pontificate of a Leo X, and a Le Brun under the reign of a Lewis XIV. This great painter subsequently had to delineate the history of the hero of the age, and he acquitted himself of his task in a very peculiar manner.

Charles Le Brun was born at Paris, in 1619. His father was a sculptor, and his mother was the daughter of Lebé, a famous writing master. From his earliest infancy, Le Brun displayed an inclination for Drawing: he was scarcely four years old that he was seen to take charcoal from the bearth and to draw on the floor the various objects he had seen, so as to be recognized by the beholder. His father, taking advautage of such happy iuclinations, soon put a pencil and a chisel into his hands, and Charles Le Brun, when nine years old had already modelled Masks, Eagles, and Griffins : he even sculptured in wood a small Bacchus which was preserved and afterwards cast. His father being commissioned to execute

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