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HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR

PIERRE MIGNARD.

Ce nom, si célèbre aujourd'hui, et le seul sous lequel soit connu l'un des plus habiles peintres du siècle de Louis XIV, n'est qu'un sobriquet donné par Henri IV, lorsque Pierre More lui fut présenté avec six de ses frères, tous officiers. Le prince, frappé de l'agrément de leur figure, dit à leur père : Ce ne sont pas là des Mores, mais bien des Mignards; et depuis ce temps le nom leur en resta.

Pierre More eut deux fils, dont l'aîné, Nicolas Mignard, fut connu sous le nom de Mignard d'Avignon, sa résidence habituelle, tandis que l'autre, nommé Pierre, porta le nom de Mignard le Romain.

Pierre Mignard naquit à Troyes en 1610. Fort enfant, il fut placé chez un médecin; mais au lieu de se livrer aux études nécessaires pour l'exercice de cet art, lorsqu'il accompagnait son maître chez les malades, il dessinait leur attitude et leur expression; on assure même qu'à l'âge de douze ans il fit, dans un seul tableau, les portraits du médecin de sa famille et de ses domestiques, ce qui frappa tout le monde d'étonnement, et engagea son père à le laisser suivre son penchant. Il entra d'abord chez un peintre de Bourges, nommé Boucher, et vint ensuite à Fontainebleau où se trouvait son frère. Là il étudia les peintures de Primatice, de Rosso, de Freminet, et surtout les

belles statues antiques qui décoraient alors ce palais, il passa ensuite dans l'atelier de Vouet, le seul peintre d'alors qui eût une école de quelque célébrité, et dont il devint bientôt l'un des élèves les plus distingués.

Le maréchal de Créquy, revenant de son ambassade de Rome, fit voir à Mignard quelques tableaux qu'il avait rapportés d'Italie; le jeune peintre, échauffé par la vue de ces beautés, sentit qu'il y avait un meilleur goût à suivre que celui de Vouet, et il projeta sur-le-champ le voyage d'Italie. C'est en 1636 qu'il arriva à Rome, où il retrouva Alphonse Dufresnoy, qui avait été son camarade d'atelier, et la liaison qu'ils formèrent alors dura toute leur vie.

Pierre Mignard peignit également l'histoire et le portrait. Sa réputation eut quelque éclat à Rome même, et le pape Urbain VIII ayant voulu voir le jeune peintre français, lui ordonna de faire son portrait. Une telle faveur lui attira, comme on le pense bien, de nombreux travaux; ses Vierges surtout furent admirées, et reçurent le nom de Mignardes; ce qu'il ne faut pas prendre en mauvaise part, mais bien comme une preuve de l'admiration qu'on avait pour ses tableaux.

Dufresnoy étant à Venise, chercha à y attirer Mignard, et la vue des grands coloristes de ce pays améliora beaucoup sa manière de peindre, et la rendit plus vigoureuse. Pendant son séjour à Rome, Mignard fut appelé, en concurrence avec Pierre Beretini, de Cortone, pour peindre le tableau d'autel de saint Charles de Catenari : il fit pour cela saint Charles donnant la communion aux pestiférés. On assure que voulant à cette occasion dessiner un cadavre d'après nature, il fut introduit la nuit dans une église où un père capucin se trouvait exposé à visage découvert, suivant l'usage d'Italie; mais le peintre étant resté seul, un accident fit éteindre la lampe, et peur s'étant emparée de lui, il cherchait à retrouver la porte lorsque son introducteur reparut avec de la lumière, calma sa frayeur, et resta près de lui tandis qu'il achevait son ouvrage.

la

Après avoir passé vingt-deux ans en Italie, où il avait épousé la fille d'un architecte romain, Pierre Mignard fut rappelé en France; mais ce ne fut pas sans peine qu'il quitta Poussin et l'Albane. Passant par Avignon, il resta quelque temps chez son frère, où il travailla au tableau de la Visitation que nous avons donné sous le no 16. Il s'arrêta aussi à Lyon, où il fit le portrait de l'archevêque, M. de Villeroy; puis il arriva à Fontainebleau où le cardinal Mazarin le présenta au roi et à la reine. Mignard avait cinquante ans, et c'est alors qu'il fit les portraits de toute la cour, ainsi que celui du roi, qu'il peignit plusieurs fois à différentes époques. A la dernière, comme il paraissait regarder son modèle avec une grande attention, le prince lui dit: Vous me trouvez vieilli, Mignard. Il est vrai, Sire, je vois quelques victoires de plus sur le front de votre majesté. De semblables reparties étaient du goût de Louis XIV, qui témoigna toujours un vif intérêt à Mignard. Il lui ordonna de peindre plusieurs plafonds aux Tuileries, ainsi que dans les petits appartemens à Versailles. La reine-mère le chargea de décorer la coupole du Val-de-Grace. Il y peignit à fresque une grande composition de plus de deux cents figures, où la fondatrice de cette abbaye royale est introduite dans le paradis par sainte Anne sa patrone et par saint Louis.

MONSIEUR, frère du roi, employa aussi les talens de Mignard, et lui fit peindre ses appartemens de Saint-Cloud. Tant de travaux auraient dû amener le peintre dans les rangs de l'académie royale, mais Le Brun y régnait despotiquement, et Mignard ne voulant pas se trouver au second rang, préféra rester à l'académie de Saint-Luc, qui à cette époque était la confrérie dans laquelle il fallait être inscrit pour exercer, à Paris, comme maîtres peintres, doreurs, vernisseurs.

En 1687, Mignard fut anobli; et Le Brun étant mort en 1690, sur la demande du duc d'Orléans, le roi nomma Mignard son premier peintre : alors, et en raison de cette charge, il fut admis

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