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ALE DE LYOΝ

810gesh, du Priple des Arts

HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUB

CHARLES LE BRUN.

Les grands siècles semblent faire éclore à la fois de grands genies dans tous les genres. C'est ainsi que nous voyons apparaître Apelle en même temps qu'Alexandre, Raphaël sous le pontificat de Léon X, et Le Brun sous le règne de Louis XIV. Ce grand peintre eut par la suite à retracer l'histoire du héros de son siècle et il s'en acquitta d'une manière tout-à-fait remarquable.

Charles Le Brun naquit à Paris en 1619. Son père était sculpteur et sa mère était la fille de Lebé, célèbre maître d'écriture. Dès son plus jeune âge Le Brun montra des dispositions pour le dessin; il avait à peine quatre ans qu'on le voyait prendre des charbons dans le foyer et dessiner par terre les objets qu'il avait vus de façon à les faire reconnaître des spectateurs. Son père, profitant de dispositions si heureuses, lui mit fort jeune le crayon et l'ébauchoir à la main ; aussi dés l'âge de neuf ans Charles Le Brun avait modelé des mascarons, des aigles, des griffons; il sculpta même un petit Bacchus en bois qui fut conservé et moulé par la suite. Le père, chargé de faire différens ouvrages de sculpture dans l'hô

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tel Séguier, menait souvent son fils avec lui. C'est ainsi que le chancelier eut l'occasion d'apercevoir le génie précoce d'un enfant dont la figure prévenait en sa faveur.

Pour lui donner les moyens de se développer plus rapidement, il le plaça dans l'atelier de Vouet, le peintre de cette époque qui avait le plus de réputation et les travaux les plus importans. Le Brun alla ensuite étudier à Fontainebleau où se trouvaient alors les plus beaux tableaux du roi on dit même qu'il y fit, de la grande Sainte-Famille de Raphaël, une petite copie très-remarquable. A quinze ans il fit le portrait de son oncle, puis celui de son père, tenant dans la main une petite statue. Il causa une nouvelle surprise lorsqu'à vingt-deux ans il fit voir des tableaux de sa composition tels que Hercule assommant les chevaux de Diomède. Poussin prédit alors que l'auteur illustrerait son siècle.

il

L'académie royale de peinture n'existait pas encore, mais Ꭹ avait parmi les corps de métiers, une communauté des maîtres-peintres sous le nom d'Académie de Saint-Luc. Lebrun fit pour cette confrérie le tableau de saint Jean prêt à être plongé dans l'huile bouillante. C'est alors, en 1642, que le chancelier Séguier, voulant donner plus d'essor au génie de son protégé, lui fit une pension avec laquelle il pût aller étudier à Rome, et le recommanda fortement à Poussin et au cardinal Barberini, neveu du Pape. Les conseils que Le Brun reçut du Poussin eurent une heureuse influence sur son talent. Quoiqu'il ne puisse être considéré comme élève de ce peintre célèbre, cependant il lui doit une partie de sa gloire, puisque c'est d'après son avis qu'il étudia les monuments de l'antiquité, les usages et les habillemens des anciens, leurs exercices, leurs combats et leurs triomphes. Il exposa alors à Rome deux tableaux qui furent très goûtés, Mutius Scévola, et Horatius Coclés,

Charles Le Brun revint à Paris en 1647, et n'y trouva d'autre émule le célèbre Le Sueur. Plus actif et plus protégé que

que

lui, Le Brun fut chargé par la communauté des orfèvres de faire, pour la cathédrale de Paris, le tableau qu'ils offraient chaque année à cette église et que l'on désigne ordinairement, sous le nom de Mai de Notre-Dame.

Cette même année fut aussi remarquable pour l'histoire des beaux-arts, qu'elle est honorable pour le peintre Le Brun, qui alors, avec l'appui du chancelier Séguier, parvint à démontrer la nécessité d'établir une Académie de peinture. Elle fut en effet fondée par le roi en janvier 1648. Parmi les académiciens, douze anciens devaient être charges de professer : l'un d'eux naturellement devait être Charles Le Brun. Lorsqu'il fallut leur assigner un rang entre eux, par une singularité fort remarquable, le sort désigna ce peintre en premier.

Ne pouvant faire la récapitulation de tous les ouvrages de Le Brun, nous nous contenterons de donner les plus remarquables, et nous citerons d'abord le serpent d'airain, qu'il fit alors pour les religieux de Picpus; saint Jean écrivant l'Apocalypse, pour le collégé Beauvais, et maintenant au Musée; les Saintes Familles dites le Benedicite et le silence. Cette dernière a été publiée sous le no. 515. Il fit pour le couvent du Val-deGrâce, cette célèbre Magdeleine pénitente, dans laquelle on a voulu voir les traits de madame de La Vallière, ce qui n'est pas exact, ainsi que nous l'avons déjà dit, lorsque nous avons parlé de ce tableau sous le no. 287; puis le repas de JésusChrist chez Simon le pharisien, tableau qui en 1815 fut livré aux commissaires des puissances étrangères, en échange du magnifique tableau des noces de Cana par Paul Veronėse.

Le Brun fit aussi des portraits parmi lesquels on remarque ceux du président de Bellièvre et du célèbre amateur Jabach.

Après avoir fait un grand nombre de tableaux de chevalet, Le Brun devait désirer de s'exercer dans ces vastes compositions nommées en Italie grandes-machines. Il en trouva l'oc

casion au séminaire de Saint-Sulpice où il peignit dans la youte le couronnement de la Vierge, et à l'hôtel du président Lambert, où la galerie contient l'histoire d'Hercule dont nous avons donné des fragmens sous les no1. 635 et 689.

Appelé ensuite à Vaux-le-Vicomte par le surintendant Fouquet, il y laissa de nombreuses traces de son talent et reçut en récompense, indépendamment du prix de ses travaux, une pension de douze mille francs, qu'il perdit à lá disgrâce de ce ministre, mais qui lui fut rendue plus tard, par le Roi, lorsqu'il eût été chargé par Colbert d'embellir la chapelle de Sceaux et le pavillon des Bains.

le

La Cour ayant eu occasion de juger des talens de Le Brun dans les fêtes brillantes qu'il dirigea à Vaux-le-Vicomte, cardinal Mazarin le fit appeler par la reine Anne d'Autriche, et, d'après le récit d'un songe qu'elle avait eu, il fit pour elle un tableau désigné sous le nom de Christ aux anges, et connu par la belle gravure d'Edelinck.

En 1661 le roi étant à Fontainebleau dit à Le Brun que, voulant avoir un tableau de lui, il lui laissait le choix du sujet. Il le fit dans le château même, et peignit, souvent sous les yeux du roi, le tableau de la famille de Darius. C'est de ce moment que date la plus grande gloire du peintre. La vue de ce beau tableau acheva de déterminer le Roi déjà prévenu en sa faveur. Le monarque le regarda dès lors comme l'homme le plus capable de conduire les vastes projets qu'il avait conçus, pour l'embellissement des maisons royales. Il lui accorda des lettres de noblesse, lui donna son portrait enrichi de diamans, puis en 1662 le nomma son premier peintre. Colbert étant alors surintendant des bâtimens, c'est à Le Brun qu'il donna la conduite de tous les ouvrages de peinture et de sculpture, la direction de la manufacture des Gobelins, où l'on faisait alors non-seulement des tapisseries, mais encore de belles pièces d'orfèvrerie, des vases, des candelabres et de beaux meubles.

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