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C'est en 1789 que Girodet remporta le grand prix, dont le sujet était Joseph reconnu par ses frères; l'année d'avant il avait obtenu le second prix. Notre jeune artiste partit bientôt pour Rome, c'est là qu'il exécuta deux de ses tableaux, le Sommeil d'Endymion, et Hippocrate refusant les présens d'Artaxerce. Le premier de ces tableaux, si remarquable par le charme de la pensée, l'élévation du style, l'élégance et la pureté du dessin, eut à Rome un succès prodigieux, et depuis il a toujours conservé une place distinguée parmi les travaux de cet artiste.

Girodet se trouvait à Rome au moment où le consul de France Basseville fut assassiné par la populace, parce que, obéissant aux ordres qu'il avait reçus du gouvernement français, ce ministre voulait faire remplacer l'écu aux fleurs de lis par une allégorie relative à la république. Girodet, resté à l'Académie avec Péquignot et Lafitte, avait encore le pinceau à la main quand le peuple vint assaillir l'Académie et tout briser. Poursuivi à coups de couteau, ce ne fut pas sans peine qu'il échappa aux assassins; mais pourtant il parvint jusqu'à Naples, où il se mit à étudier le paysage.

Les événemens politiques ne permettant pas aux Français de rester encore dans cette partie de l'Italie, Girodet alla à Venise, où les monts Euganéens vinrent lui offrir de nouveaux sujets d'étude. Il était occupé à dessiner un site, lorsque des sbires vinrent l'arrêter. « Après l'avoir dépouillé, garrotté, accablé d'indignes traitemens, un de ces misérables lui demande si l'on célèbre encore des fêtes en France. Plus que jamais, répondit Girodet; la fête de la victoire revient tous les mois. » C'était en 1794, les Français étaient sans cesse molestés; cependant, sur la demande du ministre Noël, le gouvernement de Venise ne put se refuser à punir l'outrage qu'avait reçu le jeune peintre français. Notre artiste reprit alors la route de Paris, et, à son arrivée, il fit son tableau de

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Danaé, gravé sous le n° 143. Ce tableau ne fut payé que 600 francs: le possesseur en demande maintenant 25,000. On cite beaucoup d'exemples semblables, dans les biographies des artistes anciens, mais il est extraordinaire de voir une telle variation de prix en trente années.

Girodet fit ensuite, pour le roi d'Espagne, quatre tableaux des Saisons. Son talent, apprécié du public, le fut également du gouvernement, et en 1801 il se trouva chargé de faire un tableau pour la Malmaison. Girodet devait là se trouver en concurrence avec M. Gérard; mais, soit hasard, soit avec intention, elle devint complète, puisqu'il traita aussi un sujet ossianique. On se rappelle avec étonnement les beautés de ces deux tableaux : celui de Girodet représentait Fingal et ses descendans recevant dans leurs palais aériens les mânes des héros français. Immédiatement après, Girodet s'occupa de son grand et magnifique tableau représentant une Scène du déluge, qui parut au salon de 1806. Les Funérailles d'Atala parurent en 1808 : ce nouveau chef-d'œuvre fut généralement admiré. Enfin le tableau de Napoléon recevant les clefs de Vienne, qui fut exposé la même année, et celui de la Révolte du Caire, qui parut en 1810, vinrent compléter la série des ouvrages de Girodet, dont la gloire est principalement fondée sur ce qu'il fit pendant ces dix années. Quoique les prix décennaux fondés en 1804 n'aient pas été donnés en 1810, ainsi que cela devait être, Girodet n'en eut pas moins la gloire de voir son tableau du Déluge désigné par le jury comme digne du grand prix: cette distinction lui parut d'autant plus glorieuse, que parmi les autres ouvrages présentés au concours, on remarquait le tableau des Sabines, par David son maître.

La santé de Girodet s'affaiblissait considérablement, et il en éprouvait d'autant plus de chagrin, qu'il avait ressenti que le travail assidu lui était contraire: aussi se vit-il obligé de ne plus s'occuper de grands ouvrages; mais son imagination n'en

continua pas moins de travailler, et c'est alors qu'il fit cette innombrable quantité de dessins, dont il avait puisé les idées dans les ouvrages d'Anacréon, de Virgile, de Sapho, d'Ossian, et des autres poètes, dont la lecture faisait ses délices.

Les travaux de Girodet parurent cependant encore au salon de 1824, où on vit les portraits en pied de Cathelineau et du général Bonchamps; mais avant que l'exposition fût terminée, Girodet n'existait plus. Sentant sa fin approcher, il éprouva sans doute de vifs regrets de ne pouvoir exécuter tout ce que son âge lui permettait encore de faire. Surmontant le mal qui l'accablait, il sort de son lit, soutenu par sa seule domestique, et monte à son atelier : il promène ses regards mourans sur des travaux qu'il n'achèvera pas; il considère dans un morne silence et pour la dernière fois les lieux témoins de tant de veilles, de tant d'études; mais ne pouvant soutenir une situation si pénible, il se retire lentement, puis, se retournant sur le seuil de la porte : « Adieu, dit-il d'une voix éteinte; adieu, je ne vous reverrai plus.

Les élèves de toutes les écoles se réunirent aux siens pour lui rendre les derniers hommages: ses dépouilles mortelles furent accompagnées de tout ce que Paris renfermait de plus distingué et de plus recommandable.

Un monument lui fut élevé au cimetière de l'Est, sur les dessins de son ami, M. Percier, et le buste dont il est orné a été exécuté par M. Desprez. M. P. A. Coupin a publié en 2 volumes in-8° les OEuvres littéraires de Girodet; il a mis ainsi le public à même de juger des talens de notre peintre pour la poésie, et surtout des conseils qu'il sait donner relativement à l'art de peindre. Ce recueil est précédé d'une notice du plus haut intérêt, écrite par M. Coupin, sur la vie et les ouvrages de Girodet.

NOTICE

OF

ANNE-LOUIS GIRODET.

Among David's numerous pupils, three painters had been the more remarked, as all three had a different manner, and that it was difficult to determine to which the preference ought to be given. Gros, Gérard, and Girodet seemed to form a triumvirate, and as soon as the public eagerly offered the palm to one of them, the two others were seen offering new motives equally deserving of it. But, death separated this group of three artists who might still for a long while have contributed to adorn the public Exhibitions. The fame of him', who had disappeared from this mortal scene, appeared to increase suddenly, without, however, in any way diminishing that of his two competitors.

Anne-Louis Girodet de Roussy was born at Montargis, January 6, 1767. From tender youth, he showed great aptitude for study, and a decided taste for drawing. His parents had first intended he should learn Architecture: they subsequently had the project of letting him follow the military career; but David, seeing one of Girodet's designs, said to his mother. You may do what you please, Madam, but still your son will be a painter. » The opinion of this master was unquestionably of a nature to shake the determination of Girodet's parents, and thus they determined to place him in David's School.

It was in 1789, that Girodet gained the Grand Prize, the subject of which was Joseph recognised by his Brothers: he had, the year before, won the second Prize. Our young artist soon set off for Rome: it was there that he executed two of his pictures, Endymion Sleeping, and Hippocrates refusing the presents of Artaxerxes. The first of these pictures, so remarkable for the pleasing thought, the grandeur of the style, the elegance and correctness of the design, had a wonderful success, and it has ever since preserved a very distinguished rank among this artist's works.

Girodet was in Rome when Basseville, the French Consul, was murdered by the mob; because, obeying the orders of the French Government, he had endeavoured to substitute, for the shield with the Fleurs de Lis, an Allegory relative to the Republic. Girodet, who had remained in the Academy with Pequignot and Lafitte had yet his pencil iu his hand when the people attacked the building and destroyed every thing in it. Pursued, it was not without difficulty that he escaped from the knives of the assassins: he however succeeded in reaching Naples, where he set about studying Landscape.

The political events no longer allowing the French to remain in this part of Italy, Girodet went to Venice, where the Euganean Hills offered him fresh subjects for study. He was occupied in drawing a site when the sbirri came to arrest him. «After stripping, handcuffing, and treating him in the most insulting manner, one of the wretches asked him, if, festivals were still celebrated in France? More than ever, replied Girodet; the festival of Victory returns every month. » This was in 1794; the French were constantly annoyed, yet, on the demand of the Minister Noël, the Venetian Government could not refuse lending himself to the punishment of those who committed the outrage on the young French Artist. Girodet then returned to Paris, where, on arriving, he painted his

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