Imágenes de páginas
PDF
EPUB

perdent la pensée [131] des Castors, ramenans ces captifs à Sillery. Or comme il y auoit en cette Refidence, vn ramas de diuerfes Nations, dont vne partie n'eftoient pas encor Chreftiens: ils receurent ces captifs d'vne estrange façon. On les charge de coups de bastons, on leur arrache les ongles, on leur coupe quelques doigts, on leur applique des tifons de feu: bref on les traite en Sauuages, & comme des ennemis des Sauuages. Noel Tekouerimat, bon Chreftien, & Capitaine de cette Refidence, ayant ouy parler ces prifonniers, dit tout haut, qu'ils n'eftoient pas Iroquois, & qu'il doutoit fort, qu'ils fuffent de leurs Alliez. Ils font, difoit-il, Abnaquiois ou voisins, & amis des Abnaquiois. Il ajouftoit, qu'eftant vers les coftes de la Nouuelle Ang[1]eterre, au dernier [132] voyage qu'il auoit fait, au païs des Abnaquiois, il croyoit auoir veu quelqu'vn de ces visages. Cela arresta le coup de leur mort: mais il n'appaifa pas la fureur de ceux, qui estans enragez contre les Iroquois, fouhaitoient d'affouuir leur vengeance fur ces pauures miferables. Et pour les faire mourir auec quelque Iuftice, ils dirent, qu'il se falloit assembler pour deliberer de leur vie, ou de leur mort.

Les

Noel, qui vit bien que la paffion, & non la raison, affembloit ce confeil, ne s'y voulut pas trouuer. factieux ne laiffent pas de paffer outre; ils condamnent au feu ces pauures victimes. Noftre Capitaine Chreftien voyant ce defordre, fait des prefens pour rachepter leur vie. On fait derechef vne affemblée: on donne la [133] vie à quatre, & on veut brusler le cinquiéme. Mais Noel, voyant que ces affemblées n'eftoient pas de toutes les Nations interreffées

captives back to Sillery. Now, as there was at this Residence a gathering from different Nations, a part of whom were not yet Christians, they gave the prisoners a strange reception. They were belabored with blows; their nails were torn out, and some of their fingers cut off; firebrands were applied to their bodies; and, in short, they were treated like Savages and enemies of Savages. Noel Tekouerimat, a good Christian and the Captain of this Residence, after hearing these prisoners talk, said emphatically that they were not Iroquois, and that he doubted very much whether they were Allies of the latter. They are,” said he, “ Abnaquiois, or neighbors and friends of the Abnaquiois.” He added that, when he was in the neighborhood of New England, on the last [132] journey he had made to the country of the Abnaquiois, he thought he had seen one of those faces. This statement arrested their execution, but did not appease the fury of those who, being enraged against the Iroquois, wished to wreak their vengeance upon these poor wretches. And in order to make them die with some show of Justice, they said an assembly must be held to deliberate upon their life or death.

Noel, seeing plainly that passion and not reason was calling this council, would not attend it. The factious element did not cease its proceedings, but condemned these poor victims to the flames. Our Christian Captain, seeing this lawless conduct, made presents for the ransom of their lives. Again an assembly was called, and [133] four of the men were given their lives, while it was desired to burn the fifth. But Noel, seeing that these assemblies were not composed of all the Nations interested in the war, exclaimed that a general council of all the chief

dedans la guerre; s'écrie, qu'il faut tenir vn conseil vniuerfel, de tous les principaux, qui fe trouuoient pour lors au pays, & qu'il ne falloit pas proceder à la legere, dans des affaires fi importans: où il s'agiffoit de la vie des hommes, & peut-eftre d'vne nouuelle guerre. Cét auis fut fuiuy. On s'affemble, les Capitaines haranguent à leur tour. L'auis commun, & le plus vniuerfel, fut, qu'ils eftoient tous coupables, ou tous innocens, & par confequent qu'ils deuoient tous mourir, ou qu'il leur falloit donner la vie à tous. Là deffus, comme la paix n'eftoit pas encor faite auec les Iroquois, Noel Tekouerimat parle fortement, difant [134] que nous auions affez d'ennemis fur les bras, qu'il ne falloit pas en multiplier le nombre; que ces pauures gens ne venoient point en guerre; que c'eftoient des Chaffeurs, & qu'il les falloit renuoyer en leur pays.

Les principaux du Confeil, fuiuans cette pensée, conclurent qu'il n'en falloit faire mourir aucun: & qu'il eftoit à propos d'en renuoyer deux en leur pays: pour donner auis à leur Nation, de ce qui s'eftoit paffé. On les fit venir fur l'heure mesme dans l'affemblée: où ils parurent liez, & tous nuds, excepté leur brayer. Ils s'affirent à platte terre, pour entendre leur fentence, qui les réjouyt fort. Vn Capitaine prenant la parole, fit vne petite harangue, leur difant, qu'ils auoient tous la vie: que pas vn d'eux ne mourroit: [135] qu'ils eftoient libres. A mefme temps, on coupe leurs liens, qu'on iette au feu, on les fait leuer debout: on leur donne à chacun dequoy fe couurir: & on les exhorte à chanter, & à danfer, & à fe réjouyr, puis qu'ils eftoient parmy leurs amis. Ce commandement fut executé fur

men then in the country must be held; and that they must not proceed lightly in affairs of such importance, wherein human life, and perhaps a new war, were concerned. This advice was followed, a meeting was held, and the Captains made speeches, each in his turn. The common and most general opinion was that the prisoners were all guilty or all innocent; and that, consequently, they ought all to die, or all be given their lives. Thereupon, as peace had not then been made with the Iroquois, Noel Tekouerimat spoke in emphatic terms, saying [134] that we had enough enemies on our hands, and their number must not be multiplied; that these poor men did not come to make war on us, but were Hunters; and that they must be sent back to their own country

The chief men of the Council, in accordance with this sentiment, decided that not one of them should die; and that the fitting course was to send back two of the number to their own country for the purpose of informing their Nation of what had occurred. Forthwith they were made to enter the assembly, where they appeared bound and wearing nothing except around their loins. They squatted on the ground to hear their sentence, which rejoiced them greatly. A Captain took the word, and made them a short harangue,- telling them that they were all given their lives, that not one of them should die, [135] and that they were free. At the same time their bonds were cut, and thrown into the fire; they were raised from the ground, and each was given some clothing; and they were exhorted to sing and dance and rejoice, since they were among their friends. This order was executed on the instant,

l'heure, promptement, ioyeusement, & magnifiquement, disent les memoires, qui sont venus iusques à nous.

Apres quelque temps de réjouyssance: on en renuoya deux en leur pays, & on retint les trois autres en oftages. Leur commiffion contenoit trois articles, distinguez par trois petits bastons, qu'on leur mit en main. Le premier port, qu'on les renuoyoit pour exposer aux principaux de leur Nation, comme ils auoient esté pris, & deliurez. Le second, [136] qu'ils retournaffent, au commencement de l'Esté fuiuant. Le troisiéme, qu'ils retiraffent des mains d'vne Na. tion, qui leur est amie, & voisine, nommée Sokoueki; quelques-vns de leurs parens captifs depuis deux ans: & qu'il les amenaffent à Sillery, s'ils auoient desir de contracter alliance, auec les peuples qui s'y retirent ordinairement: & que la veuë de ces captifs, adouciroit les yeux de ceux qui ne les auoient pas regardez de bonne grace, & qu'ils seroient le noud de l'ancienne amitié, qu'ils auoient euë autrefois par ensemble. Ces bonnes gens se voyans declarez innocens ne demanderent point reparation des torts, qu'on leur auoit faits. Ils ne se plaignirent point, des coups de bastons, qu'on leur auoit donnez, ny des feux, qu'on auoit appliqués [137] sur leurs corps. Ils ne presserent point la restitution des ongles, qu'on leur auoit arrachez, ny des doigts, qu'on leur auoit coupez. Tous ces preludes sont comptez pour neant: pourueu qu'on n'oste point la vie; le reste passe comme vn petit ieu. Les femmes, disent-ils, en fouffriroient bien autant fans mot dire.

Ils partirent au commencement de Decembre, de l'an 1652. & ils parurent sur le grand fleuue, à la fin

« AnteriorContinuar »