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de Champlain d'heureuse memoire, auoit dit à vn Capitaine Montagnez, vn peu deuant que de rendre l'ame, qu'il emporteroit auec foy tout le païs des Hurons. C'eft la couftume des Capitaines Barbares, de fouhaitter que d'autres leur tiễnent cõpagnie à leur trespas, iufque là qu'ils enuoirot par fois tuër quelqu'autre Capitaine, pour aller ensemble en l'autre monde. Ces ignorans pleins de malice fe figurent [212 i.e., 208] aifémẽt que nous participons à leurs deteftables fentimens, c'est pourquoy ils foupçonnoient Monfieur de Champlain d'auoir procuré leur mort à fon trespas.

Quelques autres attribuoient la caufe de leur contagion à nostre vengeance, disans que nous n'eftions montés en leur païs que pour sacrifier tous leurs corps à l'ame d'vn nommé Estienne Bruflé qu'ils ont miferablement affaffiné. Tout paroift jaune aux icteriques qui ont les yeux jaunes, les peuples que l'ardeur d'vne vengeance enragée contre ceux qui leur font mal, va confommant, nous croient tous efchauffés & bruflez d'vn mefme feu.

Bref ils philofophoiet encore de leur maladie d'vne autre façon, ils difoient que nos François auoient enforcelé vn capot, ou vne robe, & l'auoient enterré aux trois Riuieres, mais en tel lieu qu'ils fe doutoient bien que les Hurons tres-grands larrons l'enleueroiết: ce qu'ils firent, l'aiant donc trãsporté en leur païs ils y ont quand & quand porté la peste & la contagion.

Ces nations fe perfuadent qu'ils ne meurent quafi que par des forts, c'eft pourquoy nous mefurãs à mefme aulne ils nous penfent & croient plus grãds forciers qu'eux mefmes, [213 i.e., 209] fur ces bruicts autant efloignés de la verité, qu'ils font opportion

Captain, shortly before rendering up his soul, that he would take away with him the whole country of the Hurons. It is customary for Barbarian Captains to wish that others may bear them company at their departure, going so far that sometimes they send one to kill another Captain to go with them into the other world. These ignorant people, full of malice, readily imagine [212 i.e., 208] that we share their detestable ideas, hence they suspect Monsieur de Champlain of procuring their death at his own departure.

Some others attributed the cause of their epidemic to our vengeance, saying that we only went up to their country in order to sacrifice every one of their bodies to the soul of a certain Estienne Bruslé, whom they had wickedly assassinated. All things appear yellow to the yellow eyes of the jaundiced; people who are being consumed by the fierce flame of a vengeance aroused against those who have done them harm, believe that all of us are heated and burned by the same fire.

In short, they reasoned upon their sickness in still another way. They said that our French had bewitched a cloak or a robe, and had buried it at the three Rivers, but in such a place that they suspected, and rightly, that the Hurons, as they were very great thieves, would take it away, which they did. Having then carried it to their own country, they bore thither at the same time the pestilence and contagion.

These nations persuade themselves that they die almost entirely through charms; and hence, measuring us by the same standard, they think and believe we are greater sorcerers than they themselves. [213 i.e., 209] Upon the strength of these reports, as

nés [sc. proportionnés] à l'efprit des Sauuages, & conformes à leurs couftumes, ces barbares ont attenté fur la vie de nos Peres, iufques là qu'ils ont parlé en plein conseil de les maffacrer, mais Dieu est plus puiffant que les hommes & que tous les Demons. Sa bonté nous fufcita pour protecteur, vn Barbare contre les Barbares, mefme vn Capitaine nommé Taratouan dont nous auons le neueu au Seminaire, entendant ce discours tire vn grand colier, de pourcelaine le iette au milieu de l'affemblée, disant voilà pour fermer vos bouches, & arrefter vos paroles: c'eft la couftume du païs de n'agir ordinairemẽt que par des prefens, ce coup fuft arresté, ie ne fçais fi nos Peres des Hurons l'ont fceu, mais le neueu de ce braue Capitaine nous la racompté aux trois Riuieres. Ie parleray bien tost de fa prise déplorable, vne autre fois dans la propre bourgade où eftoient nos PP. on traitta de les r'enuoier ç'à [sc. renuoier çà] bas, ou de les faire mourir: leur Capitaine nommé Aënon prit la parole, & harangua de telle forte qu'on vint prier les PP. qu'ils ne nous efcriuiffent rien de ces mauuaises pensées, de peur qu'ils ne fuffent mal traittez aux lieux où font nos François. Ce Capitaine est l'vn de [214 i.e., 210] ceux qu'o croit qui ont tué ce miferable Bruslé, dont les plaies font encores toutes fanglãtes, mais il a tellement reparé cefte faute par l'affection qu'il a depuis porté aux François, que noftre Seigneur luy à fait la grace de venir mourir Chreftien entre nos bras. Or iugez maintenant si ces difpofitions eftoient bien grandes pour peupler vn Seminaire, car fi en public on parloit de nous perdre, ie vous laiffe à penser quelles calomnies vomiffoiet contre nous les plus infolens. On n'entẽdoit qu'iniures, que menaces, en

far removed from the truth as they are adapted to the minds of the Savages and in harmony with their customs, these barbarians have made attempts upon the lives of our Fathers, even going so far as to talk in open council of slaying them; but God is more powerful than men and all the Demons. His goodness raised up for us as a protector a Barbarian against Barbarians, even a Captain named Taratouan, whose nephew we have in the Seminary. On hearing this talk he drew out a long string of porcelain, and threw it down in the midst of the assembly, saying, “There is something to close your mouths and stop your talking." It is a custom of the country to act ordinarily only through presents, so this blow was averted. I do not know whether this was known to our Fathers among the Hurons, but the nephew of this brave Captain related it to us at the three Rivers. I will soon speak of his deplorable capture. Another time, in the very village where our Fathers lived, they talked about sending them back down here, or of killing them. Their Captain, named Aënon, began to speak, and harangued in such a way that they came and begged the Fathers not to write any of these evil thoughts to us, lest they should be badly treated in the places where our French are. This Captain is one of [214 i.e., 210] those who are supposed to have killed the wretched Bruslé, whose wounds are still bleeding. But he so entirely atoned for this fault by the affection which he afterwards displayed towards the French, that our Lord graciously allowed him to come and die as a Christian in our arms. Now judge whether these circumstances were favorable to the peopling of a Seminary; for, if they spoke in public of ruining us, I leave you to imagine what calumnies

forte que les plus gens de bien d'entr'eux, craignoient qu'on n'en maffacraft quelques-vns de nous autres, & par confequent ils fe pouuoient perfuader qu'on efgorgeroit ç'a [sc. çà] bas leurs enfans s'ils nous les enuoioient, fuiuant la couftume tres-mefchate de tous ces peuples lesquels fe vengent fur le premier venu, des torts qu'ils ont reçeu de quelque particulier d'autre natio. Or nonobftãt la rage des demons, le Seminaire fubfifte. Ie l'ay veu à deux doigts de fa ruine, puis tout à coup celuy qui le febloit renuerfer là appuié, & fi la maladie & la guerre, n'euffent affligé les Hurons en chemin, nous euffions peut-eftre esté contraints de renuoier des enfans: car nous n'auons pas les reins affez forts pour nourrir & entretenir tous ceux que nous pourrions auoir, mais [215 i.e., 211] voions les accidens affez eftranges qui font arriuez à ce pauure Seminaire.

De fix ieunes Hurons qui le compofoient, l'vn d'eux d'affez mauuaife humeur, quitta fes compagnõs & s'en retourna en fon païs, (comme i'ay dit cy deffus) mais il nous fift plus de bien que nous n'efperions: car il dit merueille du bon traittement qu'il auoit receu de nous, ce qui confola fort les Hurons. La mort nous fift bien plus de mal: car elle nous enleua les deux meilleurs efprits du Seminaire. Comme ces barbares font remplis de foupçons nous auions belle peur qu'ils ne s'imaginaffent, que ces pauures ieunes hommes n'euffent perdu la vie par nostre faute, veu les circonftances que i'ay dites estre arriuées à leur mort, & par confequent nous craigniõs qu'ils n'en prinffent quelque vengeance fur nos Peres, ou pluftoft ce qui nous fembloit plus probable, nous apprehẽdions qu'ils ne fe perfuadaffent que

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