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tit que le tonnerre ayant de l'efprit, & voyant ces efpees nuës fe detourneroit, & fe donneroit bien de garde d'approcher de leurs cabanes. Le P. demandant à vn autre d'où venoit ce grand bruit du tonnerre, c'eft, dit il, le Manitou qui veut vomir vne groffe couleuure qu'il a auallee, & à chaque effort de fon eftomach il fait ce grand tintamarre que nous entendons. En effect, ils m'ont fouuent dit que la foudre n'eftoit autre chofe que des couleuures qui tomboient fur la terre: ce qu'ils recognoiffent aux arbres frappez de la foudre: car, difent-ils, on y remarque la figure de ces animaux comme imprimee par replis & [169] tortuëmens à l'entour de l'arbre. On a trouué mefme de grandes couleuures fous ces arbres, difentils: Voilà vne Philosophie bien nouuelle.

Les Sauuages ayant eu du pire en guerre, enuoient deuant quelqu'vn de leurs gens comme vn Heraut, qui crie à pleine tefte fi toft qu'il apperçoit les Cabanes, prononçant les noms de ceux qui font prins ou tuez: les filles & les femmes entendans nommer leurs parens, refpandent leurs cheueux fur leur visage, & fondent toutes en larmes, fe peignant de noir.

Quand ils retournent de la guerre, ils pendent à vn arbre, d'où ils commencent à tourner visage pour fe retirer en leur pays, autant de petits bastons qu'ils eftoyent de foldats, peut-eftre pour donner à cognoiftre à leurs ennemis, s'ils paffent en ces lieux-là, combien d'hommes ils eftoient, & iufques où ils font venus, afin de les intimider. Ie n'en fçay point

d'autre raison.

Dans le conflict de leurs guerres, ils crient à chaque fois que quelqu'vn de leurs ennemis eft frappé, s'ils s'en appercoiuent: Ie me doute que c'est pour se refe fiouyr & fe donner courage.

not to come near their cabins. When the Father asked another one whence came that great clap of thunder, "It is," he said, "the Manitou who wishes to vomit up a great serpent he has swallowed; and at every effort of his stomach he makes this great uproar that we hear." In fact, they have often told me that flashes of lightning were nothing but serpents falling upon the ground, which they discover from the trees struck by lightning. "For," say they,

"here is seen the shape of those creatures, stamped, as it were, in sinuous and [169] crooked lines around the tree. Large serpents have even been found under these trees," they say. A new kind of Philosophy, truly!

When the Savages have been defeated in war, some one of their number is sent on ahead as a Herald, who cries out in a loud voice as soon as he perceives the Cabins, uttering the names of those who have been captured or killed. The daughters and wives, hearing their relatives named, spread their hair over their faces, burst into tears, and paint themselves black.

When they return from war, they hang to a tree, at the spot where they begin to turn back to retire into their own country, as many little sticks as there were soldiers, perhaps to let their enemies know, if they pass by those places, how many men there were, and how far they went, in order to intimidate them. I know no other reason for it.

In their wars, while fighting, they shout every time one of their enemies is struck, if they perceive it. I am inclined to think this is to cheer themselves and increase their own courage.

[170] They believe the earth is entirely flat, and

[170] Ils croient que la terre est toute platte, qu'elle a fes extrémitez couppees perpendiculairement, & que les ames s'en vont à l'extremité qui est au Soleil couchant: Qu'elles dreffent leurs Cabannes fur le bord du grand precipice que fait la terre, au fond duquel il n'y a que des eaux. Ces ames paffent le temps à danfer, mais quelquesfois badinant fur la riue de ce precipice, quelqu'vne tombe dedans cét abysme, & auffi toft elle eft changee en poiffon. Il eft vrai qu'il y a des arbres fur ces bords, mais ils font fi polis que les ames ne s'y peuuent que tres-difficilement aggraffer. I'ay defia dit qu'ils s'imaginent que les ames boiuent & mangent. I'adioufte encor que ils s'imaginent qu'elles fe marient, & que les enfans qui meurent icy, font enfans en ce bout du monde, & deuiennent grands, comme ils auroient fait au pays où ils font nez. Or cefte creance toute pleine de badinerie, nous donne beau moien de les cõuaincre d'erPremierement, nous leur disons que fi la terre eftoit toute platte, elle feroit bien toft inondee du flux de l'Ocean. De plus, nous leur faifons entendre qu'il feroit iour en mefme temps par tout le mõde. Or eft-il qu'eftant icy Midy, il est nuict [171] en France pendant l'Hyuer. Nous les affeurons que nos vaiffeaux voguent au Soleil leuant & couchant, & qu'on ne rencontre point les pays des ames. s'eftonnet quand on leur parle des Antipodes, & s'en rient, auffi bien que d'autres de plus bel efprit qu'eux s'en font autresfois mocquez.

reur.

Ils

Nous leur difons fouuent que fi les ames mangeoient, qu'elles vieilliroient & mourroient: or eft-il qu'ils les croient immortelles. En outre, fi elles fe marioient & engendroient, comme elles ne meurent

that its ends are cut off perpendicularly; that souls go away to the end which is at the setting Sun, and that they build their Cabins upon the edge of the great precipice which the earth forms, at the base of which there is nothing but water. These souls pass the time in dancing; but sometimes, when they are sporting on the edge of this precipice, some one falls into the abyss, and is immediately changed into a fish. To be sure, there are trees along these shores, but they are so slippery that souls can grasp them only with great difficulty. I have already said that they imagine that the souls eat and drink. I may also add that they fancy that they marry, and that the children who die here are children in that end of the world, and grow up just as they would have done in the country where they were born. Now this belief, so full of nonsense, gives us good opportunities to convince them of error. First, we tell them that, if the earth were entirely flat, it would soon be flooded by the tide of the Ocean. Moreover, we show them that it would be day at the same time all over the world. But as it is now, when it is Noon here it is night [171] in France, during the Winter. We assure them that our ships sail to the rising and the setting Sun, and that the land of souls has never been encountered. They are astonished when one speaks to them of the Antipodes, and laugh at the idea, just as others, of better understanding than these, scoffed at it in former times.

We often tell them that, if souls ate, they would grow old and die; how is it that they believe them to be immortal? Besides, if they married and had children, as they do not die, the whole earth would soon be filled with souls; we would run across them

point, toute la terre feroit bien tost remplie d'ames, on les rencontreroit par tout: car depuis le temps qu'elles vont en ces pais du Couchant, elles fe feroient infiniement multipliees. Ils conçoiuent bien ces raifons & autres que nous leur alleguõs.

Voicy vne admirable raison de l'Eclypfe du Soleil, ils difent qu'il y a vn certain, foit homme, soit autre creature, qui ayme fort les hommes; il eft fafché contre vne tres-mefchante femme, & par fois mesme il luy prend enuie de la tuër: mais il en est retenu pource qu'il tueroit le iour, & introduiroit sur la terre vne nuit eternelle: cefte mefchate eft la femme du Manitou, c'est elle qui fait mourir les Sauuages. Le Soleil eft fon cœur [172] & par consequent qui la tueroit feroit mourir le Soleil pour vn iamais. Par fois cét homme fe fafchant contr'elle, & la menaçant de mort, fon cœur tremble, & paflit: & c'eft de là, difent-ils, qu'on void quand le Soleil s'efclypfe. Quand le Soleil de Iuftice ne luit pas dans vne ame, elle ne cognoift pas mefme le Soleil qui efclaire fes yeux. Ils varient fi fort en leur creance que on ne peut rien auoir de certain de ce qu'ils croient: helas! le moien de trouuer de la certitude dedans l'erreur.

Ils croient, à ce que m'a rapporté Makheabichtichiou, que tout le monde mourra, excepté deux personnes, vn homme & vne femme: que tous les animaux mourront auffi, horfmis deux de chaque espece: & que le monde fe repeuplera de nouueau, de ce peu qui doit refter.

Ie leur ay ouy raconter quantité de fables, du moins ie me figure que les plus fenfez d'extr'eux tiennent ces comptes pour des fables. I'en toucherai vne feule, qui me femble fort ridicule: Ils content qu'vn

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