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ne vouloient pas rompre auec nous, croyant que l'effay de la Foy ne feroit pas dangereux fur la vie de leurs efclaues, nous firent baftir quatre iours apres noftre arriuée vne Chapelle, à laquelle ils s'emploierent eux-mefmes [159] de telle forte, qu'elle fut en deux iours en eftat d'y receuoir les Chreftiens. L'ayant tapiffée des plus belles nattes, i'y expofé l'Image de noftre Seigneur, & celle de Noftre-Dame: Ce fut vn spectacle dont la nouueauté furprit si fort nos Barbares, qu'ils venoient en foule pour le confiderer, & remarquer le vifage & l'action des deux Images. I'eus fans ceffe alors occafion de leur expliquer nos myfteres, lors qu'ils me faifoient diuerfes queftions fur les Images, en forte que ie ne faifois chaque iour qu'vn Catechifme, qui duroit depuis le matin iufqu'au foir. Ce qui appriuoifa les efprits de telle forte, que nous eufmes en peu de iours plufieurs Neophytes, non feulement des Hurons & des efclaues, mais auffi des naturels du pays.

Plufieurs m'apportoient leurs enfans pour les baptifer, & m'aidoient à leur apprendre les Prieres en les leur repetant auec moy: Et la grace fit en peu de temps de fi merueilleux changemens, que les petits enfans qui m'auoient au commencement pour le plus ordinaire [160] objet de leurs railleries & de leurs huées, me rendoient par apres les offices de bons Anges, me conduifant dans les cabanes, m'attendant aux lieux où ie m'arreftois; & me difant les noms des enfans que ie baptifois, auffi bien que ceux de leurs parens; ce que ces Barbares ont couftume de nous celer foigneufement, croiant que nous efcriuons leurs noms, pour les auoir en France, & y procurer leur mort par magie.

gave for the Faith to be despised. However, the Elders who from motives of temporal interest did not wish to break with us, and who thought that a trial of the Faith would not be dangerous to the lives of their slaves-caused, four days after our arrival, a Chapel to be built. They themselves worked at it [159] so assiduously that in two days it was finished and in a condition to receive the Christians. After having carpeted it with the finest mats, I hung up in it the Picture of our Lord and that of Our Lady. The novelty of the spectacle so astonished the Barbarians, that they came in crowds to gaze at it, and to observe the faces and the expression of the two Pictures. I then had continual opportunities of explaining our mysteries to them, as they asked various questions about the Pictures; in fact, I held but one Catechism each day, which lasted from morning till night. This so familiarized their minds that in a few days we had several Neophytes, not only among the Hurons and the slaves, but also among the natives of the country.

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Many brought me their children to be baptized, and assisted me in teaching them their Prayers by repeating them with me. In a short time, grace produced such a wonderful change that the little children, who at the beginning generally made me [160] the butt of their jests and hootings, afterward rendered me the services of good Angels. They introduced me into the cabins; they waited for me at the places where I stopped, and they told me the names of the children whom I baptized, as well as those of their parents. These names the Barbarians are in the habit of carefully concealing from us, because they think that we write them down to send

La prouidence de Dieu me pourueut de trois Maistres excellens pour apprendre la langue: ils eftoient tous trois freres, originaires du pays, & d'vn excellent naturel: la bonté auec laquelle ils m'inuitoient fouuent chez eux, & la patience & l'affiduité auec laquelle ils m'inftruifoient, me mirent bien-toft en eftat de les inftruire eux mefmes, & de leur apprendre nos mysteres, en leur faisant voir quelques Images, dont ils eftoient curieux au poffible.

Le premier adulte que ie iugé capable du Baptefme, fut vn vieillard âgé de quatre-vingts ans, lequel ayant efté touché de Dieu, en m'entendant instruire [161] vn Chreftien, me fit appeller deux iours apres, eftant, ce fembloit malade à l'extremité. Ie ne fis pas de difficulté de luy accorder le Baptefme, trouuant en luy toutes les difpofitions d'vne Ame choisie pour le ciel, au chemin duquel il a encore eu depuis loifir de fe difpofer.

Le fecond que ie baptifay, fut vn eftropiat qui auoit le visage couuert d'vn chancre, qui faifoit horreur à la veuë. Ce pauure affligé receut ma visite auec autant de ioye qu'il l'auoit fouhaittée auec ardeur, & s'appliqua de fi bonne forte à retenir les prieres & les inftructions; que ie luy conferay peu de temps apres le Baptefme dans noftre Chapelle. Peut-eftre que ces graces que Dieu luy a fait, font des fruicts de la charité qu'il eut autresfois pour les Peres Brebeuf & l'Allemant. Il m'a dit qu'il auoit efté tefmoin de leur mort, & que s'eftant acquis du credit par fa vaillance parmy fes compatriotes en cette journée, où il auoit tué huict Hurons de fa main, & en auoit fait cinq autres prifonniers, il auoit eu compaffion de ces [162] deux Peres captifs; &

them to France and there procure their death by magic.

"God's providence supplied me with three very good Masters for learning their language. They were three brothers, natives of the country, and of excellent character. The kindness with which they frequently asked me to their homes, and the patience and assiduity with which they taught me, soon enabled me to instruct them, and to teach them our mysteries by showing them some Pictures, about which they evinced the greatest possible curiosity.

"The first adult whom I deemed worthy of Baptism was an old man eighty years of age. His heart was touched by God on hearing me instruct [161] a Christian, and he sent for me two days afterward,being, it seemed, sick unto death. I did not hesitate to administer Baptism to him; for I found in him all the dispositions of a Soul destined to heaven, on the road to which he still has some leisure to prepare himself.

"The second whom I baptized was a maimed warrior, whose face was covered with a canker horrible to look at. This poor afflicted man received my visit with as much joy as he had ardently desired it, and applied himself so well to learning the prayers and the instructions that I shortly afterward administered Baptism to him in our Chapel. Perhaps the graces that God has granted to him are the fruits of the charity that he formerly displayed toward Fathers Brebeuf and l'Allemant. He told me that he had been an eye-witness of their death; that—as he had acquired some influence among his countrymen by his bravery on that day, having killed eight Hurons with his own hand, and made five others

qu'il les auoit obtenu des Anniehronnons moyennant deux beaux colliers de Pourcelaine, à deffein de nous les renuoyer; mais que bien-toft apres on luy auoit. rendu ces prefents, pour retirer les deux prifonniers, & les brufler auec toute la fureur imaginable.

Ce pauure Lazare que i'ay ainfi nommé au Baptefme, eft fort confideré dans le bourg, & le premier appuy que Dieu a voulu donner à cette petite Eglife, qu'il augmente fans ceffe, en attirant d'autres à la Foy, par la ferueur de fes difcours & de fes exemples.

L'ennemi de l'Euangile ne pouuant en fouffrir les progrez, n'a pas manqué de calomnies pour les troubler. On accufe noftre Foy d'eftre homicide de tous ceux qui la profeffent: & la mort de quelques Chreftiens d'Onnontagé ayant feruy d'occafion à cette erreur des Barbares, le difcours qu'vn Capitaine ennemi de noftre Religion fit dans vne assemblée feruit à les abufer dauantage: en forte que non feulement plufieurs des naturels du pays, iugeant qu'il [163] eftoit plus feur de croire ce que difoit cet homme d'authorité parmi eux, que d'adjouster foy à l'experience toute contraire, dont fe feruoient nos anciens Hurons, me prierent de trouuer bon qu'ils ceffaffent d'affifter aux prieres, iufqu'à ce que la crainte qu'ils auoient de moy, fuft diminuée: mais encore on accufoit la Foy des François de tous les maux dont le public ou les particuliers fembloient eftre affligez. C'est ce qu'vn Apoftat taschoit de perfuader à ces Barbares, nommant les Hollandois pour les garands de ce qu'il difoit, quand il affeuroit que les enfans des Iroquois mouroient deux ans apres leur Baptefme, & que les Chreftiens, ou fe rompoient

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