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CHAPITRE VIII.

DU VOYAGE DU P. SIMON LE MOYNE, AUX AGNIERONNONS.

L

A Miffion des Iroquois d'en hault, [sc. d'en bas]

que nous appellons des Martyrs, n'eft encore qu'vne Miffion volante, dans l'efperance de la voir vn iour fixe, comme les autres Miffions. Le Pere Simon le Moyne y donna commencement l'année 1655. par le premier voyage qu'il y fit, & qu'il recommença l'année 1656. Et pour lequel il se prepare encore cette année. Ses Superieurs pourroient luy dire auec verité quand ils l'y enuoient chaque année, ce que noftre Seigneur difoit à fes Apostres, lors qu'il [85] les enuoyoit precher fon Euangile par tout le monde; qu'ils l'enuoient comme vne Brebis au milieu des Loups: Puis qu'vn Iefuite, vn Predicateur, vn Miffionnaire parmy des Iroquois, c'est vn Agneau parmy des Loups carnaffiers. C'eft vne merueille de voir vn Agneau au milieu des Loups, fans eftre mangé des Loups: mais c'eft vne merueille plus furprenante de voir des Loups changez en des Agneaux par des Agneaux. Nous auons veu cette premiere merueille en la perfonne du Pere le Moyne: ie ne fçay quand nous verrons la feconde. Nous efperons que Dieu nous la fera voir par fon infinie mifericorde quand il rangera tous les Iroquois dans le bercail de IESVS-CHRIST. Nous allons dans leur païs tous les ans vne fois, pour preparer le

CHAPTER VIII.

OF THE JOURNEY OF FATHER SIMON LE MOYNE TO THE

יT

AGNIERONNONS.

HE Mission of the lower Iroquois, which we call that of the Martyrs, is as yet but a flying Mission; we hope some day to see it stationary, one like the other Missions. Father Simon le Moyne began it in the year 1655, when he made his first journey thither; he recommenced it in the year 1656, and is preparing for it again this year. His Superiors might truly have said to him each year when they sent him thither, what our Lord said to his Apostles when he [85] sent them to preach his Gospel throughout the world,- namely, that they were sending him like a Lamb among Wolves; for a Jesuit, a Preacher, a Missionary among the Iroquois is a Lamb among ravenous Wolves. It is a marvel to see a Lamb among Wolves without being eaten by the Wolves; but it is a greater marvel to see Wolves changed into Lambs by Lambs. We have witnessed the first marvel in the person of Father le Moyne; I know not when we shall see the second. We trust that God, through his infinite mercy, will enable us to see it when he shall bring all the Iroquois into the fold of JESUS CHRIST. We go to their country once every year, to prepare the way for the Gospel, gently to dispose the hearts of those Barbarians to receive the seed of Christian doctrine, and to apply the blood of JESUS CHRIST by

chemin à l'Euangile, pour difpofer doucement les cœurs de ces Barbares à receuoir la femence de la doctrine Chreftienne, & pour appliquer le fang de IESVS-CHRIST, en baptifant les enfans, les vieillards, & les moribonds. Nous y allons pour la conferuation du bien public, & de la paix qui [86] est si delicate parmy ces peuples, que le feul deffaut d'vne vifite qu'ils attendent de leurs alliez, eft capable de la rompre. Nous y allons pour chercher tous les moyens de rendre cette paix commune à toutes les Nations: Enfin nous y allons pour empescher la ialoufie qui fe pourroit gliffer entre les Iroquois d'en bas & d'en-haut, [sc. d'en haut & d'en bas] fi demeurant auec les premiers, nous manquions à vifiter les derniers.

Tout cela ioint enfemble ne merite-t'il pas bien que nous exposions nos vies aux trauaux, à la peine, & aux dangers de la mort?

Le Pere Simon le Moyne dans le premier voyage qu'il fit à Agnié l'an 1655. promit qu'il en feroit vn l'année fuiuante, fi la commodité s'en presentoit: il s'eftoit obligé de parolle, il la falloit garder: car vn homme qui eft trouué menteur, perd fon credit & fon authorité parmy ces peuples, auffi bien que parmi les plus honneftes gens de l'Europe. Mais le Pere estant sur le point de partir; vn accident furuint qui rendit le voyage douteux. Vne trouppe d'Iroquois defcendus [87] à Quebec attaqua les Hurons. Vne autre bande ayant attendu dans vne embuscade les Algonquins fuperieurs qui remontoient de Quebec en leur pays, fit vne decharge fur eux, les mit en déroute, & tua d'vn coup de fufil vn des deux Peres qui les accompagnoient pour s'en aller hyuerner auec

baptizing the children, the aged, and the dying. We go there in the interest of the public welfare, and for the preservation of the peace, which [86] is so frail a matter among these peoples, that the mere omission to pay a visit which they expect from their allies is sufficient to break it. We go there to seek every means to make that peace general among all the Nations. Finally, we go there to prevent the jealousy which might arise between the upper and the lower Iroquois, if, while residing with the former, we failed to visit the latter.

In view of all those considerations, should we not expose ourselves to labors, to sufferings, and to dangers of death?

When Father Simon le Moyne made his first journey to Agnié in the year 1655, he promised to make another in the following year, if the opportunity presented itself. He had pledged his word, and it must be kept; for a man who is found to be a liar loses his credit and his authority among those peoples, as he does among the most honest in Europe. But, just as the Father was about to start, an incident happened which made it doubtful whether the journey could be undertaken. A band of Iro

quois, who had come down [87] to Quebec, attacked the Hurons. Another band prepared an ambush for the upper Algonquins when they were returning from Quebec to their own country, fired a volley at them, routed them, and killed with a gunshot one of the two Fathers who accompanied them that he might pass the winter with them and show them the way to Heaven. This misfortune placed us in a rather disagreeable perplexity; by not making the journey, we would irritate the arrogant minds of

eux, & leur monftrer le chemin du Ciel. Ce malheur nous jetta dans vne irresolution affez fascheuse; parce que rompant le voyage, on euft irrité les efprits orgueilleux des Iroquois, qui euffent foupçoné que le François eust eu deffein de venger la mort de fon frere, & l'euffent voulu preuenir: d'autre-part aller auec eux, c'eftoit ce fembloit aller chercher vne mort presque affeurée. On méprise ce danger plustost que de manquer de parole, le Pere entreprend le voyage & arriue au pays les prefens à la main: car on ne parle iamais autrement d'affaires d'importance parmy ces peuples. Il affemble le Confeil, & parle aux anciens en ces termes. Mon frere, ie ne sçay où tu as mis ton efprit, il femble que tu l'as entierement perdu. Ie te viens [88] voir les prefens à la main, & tu me vifites toufiours en colere, & le vifage plein de fureur. Tu as tué tout recemment le Huron à Quebec, tu viens de caffer la tefte à coups de fufil à mon frere la Robbe-Noire; tu auois promis que tu me viendrois querir, & tu as manqué de parolle, tu me fais honte par tout, & on me reproche que i'ayme vn homme qui nous fait mourir. A quoy penfes-tu! Tien, voylà pour r'apeller ton esprit qui s'est égaré. Tu dis qu'Onontio retient le Huron à Quebec, qu'il l'empesche de venir chez toy pour ne faire qu'vn pays; Tu te plains que le Huron ne te veut pas parler, quand tu vas le voir à Quebec pour traitter d'affaires: Ie vien icy pour te des-abufer. Onnontio

a defia ouuert les bras pour laiffer aller fes enfans où ils voudront, ils font libres, il ne les retient pas par force. Si le Huron ne te veut pas parler, tu en es toy mefme la caufe. Comment te parleroit-il te voiant toufiours la maffue à la main pour luy caffer

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