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Eglifes Huronnes, & des cruautés qu'ils auoient exercées fur nos braues Algonquins. Nous auions deuant les yeux les horribles tourmens qu'ils ont fait fouffrir à plusieurs de nos Peres, les brûlant à petit feu, leur appliquant des haches toutes rouges fur les endroits les plus fenfibles du corps, verfant dans leurs playes des chaudieres d'eau bouillante, en derifion du Baptefme, coupant de grands lambeaux de leur chair grillée, qu'ils mangeoient en leur prefence. La fureur qui anime ces Barbares nous difoit tout bas à l'oreille qu'on nous en preparoit autant.

Vn Huron captif échappé du bourg d'Onōtaghe paroiffant au fort de nos deliberations, nous affeura qu'il auoit eftudié l'esprit de ces peuples, qu'il estoit entré dans leurs penfées, & qu'ils n'auoient autre deffein que de faire venir en leur païs le plus de François & de Hurons qu'ils pourroient pour en faire vn maffacre general. Il appuia fon aduis de raisons fi fortes, que les Hurons fes compatriotes ayans refolu & promis aux Onnontoeronnons d'aller en leur païs, & de [24] nous y accompagner, retirerent leur parolle, & nous dirent que l'ardeur de la Foy nous feroit égorger; nous coniurant par l'amitié qu'ils nous portoient, de ne point nous precipiter dans vn danger fi manifefte.

Outre ce fujet de crainte les Iroquois Agnieronnons auec lefquels nous auons traicté de la Paix depuis peu, faifoient paroiftre vne ialoufie qui alloit prefque iufqu'à la rage de ce que nous voulions habiter parmy ces peuples, ayant vn grand interest pour leur commerce, que les Onnontoeronnons fuffent toufiours obligez de paffer par leur païs.

Nous voyons encore que ces Nations n'ayant aucun

We

they had practiced on our worthy Algonquins. had before our eyes the horrible tortures which they had inflicted upon several of our Fathers, whom they had burned at a slow fire, applying hatchets heated red-hot to the most sensitive parts of their bodies, pouring upon their wounds kettlefuls of boiling water in derision of Baptism, and cutting off great strips of their roasted flesh, which they ate in their presence. The fury that animates those Barbarians whispered in our ears that they were preparing the same for us.

A captive Huron, who had escaped from the village of Onontaghe, made his appearance while we were in the midst of our deliberations. He assured us that he had studied the minds of those people and had penetrated their thoughts, and that their sole design was to attract to their country as many French and Hurons as possible, and then to kill them in a general massacre. He advanced such strong arguments in support of his opinion, that his Huron countrymen, who had resolved, and had promised the Onnontoeronnons, to go to their country and to [24] accompany us thither, retracted their word. They told us that zeal for the Faith would cause our death, and conjured us, by the love that they bore us, not to cast ourselves into so manifest a danger.

In addition to this cause of fear, the Agnieronnon Iroquois, with whom we had recently concluded a treaty of Peace, manifested a jealousy almost verging on fury, because we wished to dwell with those people; for it was greatly to the benefit of their trade, that the Onnontoeronnons should always be compelled to pass through their country.

befoin des François, ny aucune retenuë du cofté de Dieu, qu'ils ne cognoiffent pas, ny du cofté de la Police humaine, qui n'a autre pouuoir parmy eux que celuy de leur intereft; ils nous pouuoient mettre à mort impunément par vne boutade.

Tout cela ioint aux dangers & à la difficulté des chemins, & aux defpences exceffiues & effroyables qu'il falloit faire [25] pour commencer cette entreprise & pour la conferuer, nous mettoit dans vne extreme inquietude; fi iamais l'axiome fut veritable qu'il y a vne crainte capable d'ébranler vne Ame conftante; tous ces fujets de crainte ne pouuoient nous caufe[r] vne mediocre terreur. On paffa toutesfois outre, & la refolution fut prise d'accorder à ces peuples ce qu'ils demandoient fi instamment, & de s'aller establir au cœur de leur pays, quoy qu'il en pût arriuer. Voicy les raisons qui nous y porterent.

L'vne eftoit fondée sur l'authorité & fur le raifonnement de Monfieur noftre Gouuerneur, qui voyoit bien qu'il falloit perir pour ne pas perir, & qu'il falloit s'expofer à toutes fortes de dangers pour euiter tous les dangers. Nous auiõs nouuelles que fi nous rebutions ces Barbares, leur refufant ce qu'ils demandoient auec tant d'ardeur, qu'ils auoient deffein de s'vnir derechef auec les Agnieronnons, & de venir fondre fur les François pour leur faire vne guerre immortelle, & pour les exterminer entierement, s'il leur eftoit poffible. Nous [26] n'estions pas en ce temps-là dans la pofture de fouftenir la reuolte de toutes ces nations, fans encourir vn danger plus grand que n'eftoit celuy d'expofer vne escoüade de François, dont la refolution pourroit donner quelque retenuë à ces peuples dans leur pays mesme.

Moreover, as those Nations have no need of the French, and are under no restraint, either as regards God, whom they know not, or human Authority,which has control over them only so far as it serves their own interest,- we saw that they might put us to death with impunity in a fit of passion.

All this, added to the dangers and difficulties of the road, and to the excessive and frightful expenses that would have to be incurred [25] to commence and maintain this undertaking, caused us extreme anxiety. Even if the axiom were ever true, that there is one fear capable of shaking a constant Soul, all these causes for dread could not inspire us with the slightest terror. However, we paid no heed; we resolved to grant to those people what they so urgently asked, and to establish ourselves in the heart of their country, whatever might betide. Here are the reasons that induced us to do so.

One was grounded upon the authority and the opinion of Monsieur our Governor, who saw very well that it was necessary to perish in order not to perish; and to expose oneself to dangers of all kinds, in order to avoid all dangers. We had been warned that, if we rebuffed those Barbarians by refusing what they so urgently demanded, they intended to unite at once with the Agnieronnons, to fall upon the French, to wage endless war against them, and, if possible, to exterminate them entirely. We [26] were not at that time in a position to withstand the revolt of all those tribes, without running a greater danger than that of exposing a handful of French, whose resolution might exercise some restraint over those peoples in their own country.

L'autre raifon eftoit tirée d'vne politique plus diuine qu'humaine. Les Peres de noftre Compagnie qui iufques à prefent n'ont point blefmy à la veuë de leur fang, qui n'ont point encore redouté les feux & la rage des Iroquois dans leurs plus horribles tourmens, difoient qu'ils baptiferoient bien deuant leur mort autant de moribõds qu'ils feroient de perfonnes, & qu'en ce cas donnant leurs corps pour des Ames, ils ne perdroient rien au change. Ils alleguoient l'exemple des Apoftres qui s'attendoiet bien de perdre la vie dans les pays infideles où ils alloient precher leur Maiftre, & ne laiffoient pas pourtant d'y aller. Ils produifoient cét Axiome commun: Sanguis Martyrum femen eft Chriftianorum, le fang refpandu pour la Foy par les Iroquois crie, difoient-ils, deuant [27] Dieu, non pas vengeance, mais bene[di]ction & pardon pour les mefmes Iroquois. Il fe faut confier en celuy qui n'abandonne iamais ceux qui s'abandonnent fainctement pour fa gloire: Et la rage & la perfidie des Barbares, ny les defpences exceffiues ne doiuent point retarder le premier de tous les emplois, qui eft la conuerfion des Ames. Dieu qui eft le Maiftre des Grands & des petits, des François & des Iroquois, flechira les cœurs des Infideles pour leur faire receuoir l'Euangile; & ceux des Infideles [sc. Fideles] pour en faciliter la publication.

Enfin la conclufion fut prife fur ces raifons & fur plufieurs autres, qu'il fe falloit mettre en campagne, & donner aux Onnontoeronnons la fatisfaction qu'ils demandoient. Auffi-toft dit, auffi-toft fait. Voilà vn bon nombre de François qui s'equippent pour s'embarquer auec le Pere René Menard, le Pere Claude d'Ablon, le Pere Iacques Fremin, le Frere

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